Constitue une petite copropriété, la copropriété comportant au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 € (Art. 41-8 de la loi du 10 juillet 1965). Les conditions sont ici alternatives de sorte que le régime dérogatoire s’applique dès que l’une d’elles est remplie. Ainsi peu importe le montant du budget prévisionnel dès lors que la copropriété comporte cinq lots principaux ou moins. De même, la taille du syndicat n’est pas à prendre en compte lorsque les conditions liées au budget prévisionnel sont respectées.

Selon le rapport fait au président de la République accompagnant l’ordonnance du 30 octobre 2019, « le critère alternatif permet d'ouvrir l'accès à ce dispositif dérogatoire à des copropriétés de plus de cinq lots dont le budget prévisionnel moyen serait faible, ce qui correspond, selon les données du registre d'immatriculation, à des copropriétés d'environ 10 lots, le budget prévisionnel annuel moyen étant de 1 478 € par lot ». Sur ce point, on peut s’interroger sur le fait de ne pas avoir repris directement l’ancien seuil de 10 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces figurant dans l’article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965, avant sa modification par l’ordonnance du 30 octobre 2019 puisque l’application de critères alternatifs semble aboutir au même résultat. La raison pourrait être purement d’affichage.

Selon les statistiques, 54 % des copropriétés dans le collectif comptent cinq appartements ou moins et plus de 70% comportent au plus dix logements. Créer un régime spécifique concernant potentiellement plus des deux-tiers des copropriétés en France pouvait paraître paradoxal, l’exception devenant en fait le principe. Sans compter la fronde des professionnels, lesquels peuvent être amenés à voir d’un mauvais œil toute mesure susceptible de faciliter l’autogestion et donc la possibilité pour les copropriétaires de se passer de leurs services. Les pouvoirs publics ont donc certainement pris en compte ces différents facteurs pour aboutir finalement à l’instauration de ces critères alternatifs.

Les spécificités des petites copropriétés

Dès lors que les conditions de taille ou de budget sont remplies, les copropriétés concernées peuvent alors bénéficier de plusieurs dérogations.

Dispense de constituer un conseil syndical

Le syndicat n’est pas tenu de constituer un conseil syndical (Art. 41-9  de la loi du 10 juillet 1965), ce qui se comprend aisément au regard du faible nombre de copropriétaires. Instituer un tel organe n’aurait que peu de sens, une réunion du conseil syndical s’apparenterait presque à une assemblée générale et ne ferait qu’alourdir le fonctionnement de la copropriété.

Dérogations comptables

Reprenant les anciennes dispositions de l’article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965 avant leur abrogation par l’ordonnance de 2019, le syndicat n’est pas tenu à une comptabilité en partie double, ses engagements pouvant être constatés en fin d’exercice (Art. 41-10 de la loi du 10 juillet 1965). Si cette dispense permet la mise en place d’une comptabilité dite de « trésorerie », elle n’exonère pas pour autant les copropriétaires du respect de tout formalisme. En effet, les règles comptables spécifiques continuent de s’appliquer avec l’obligation de renseigner les fameuses annexes jointes à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Or, ces documents sont rarement communiqués de sorte que la résolution relative à l’approbation des comptes pourrait être remise en cause.

Le droit de réunion et de consultation

Parmi les dérogations les plus importantes (et innovantes) en faveur des petites copropriétés, se trouve la création d’un droit de réunion et de consultation. Ainsi est-il désormais possible de prendre valablement des décisions en dehors de l’assemblée générale, soit au cours d’une réunion, soit à l’occasion d’une consultation écrite (Art. 41-12 al. 1er de la loi du 10 juillet 1965.). Quelques précisions cependant.

Tout d’abord, le vote du budget prévisionnel et l’approbation des comptes constituent des prérogatives de l’assemblée générale et ne peuvent être abordés au cours de cette réunion informelle ou par voie de consultation écrite.

Ensuite, la décision doit recueillir l’unanimité des voix des copropriétaires et ce, indépendamment de la majorité normalement requise. Ainsi, des travaux d’entretien relevant normalement de la majorité de l’article 24 s’ils étaient débattus au sein d’une assemblée générale valablement convoquée requièrent ici l’accord unanime de l’ensemble des copropriétaires composant le syndicat. Une telle disposition se comprend tout à fait sur le plan des principes : l’absence du formalisme de l’assemblée générale ne permet pas d’assurer la parfaite information des copropriétaires ni le fait qu’ils soient tous associés à la prise de décision. L’unanimité permet ainsi d’éviter ces écueils et donc de protéger les copropriétaires d’abus. Pour autant, d’un point de vue pratique, il est à craindre que la nécessité de l’unanimité n’empêche tout accord, privant ainsi d’effet cette mesure.

La consultation est organisée par le syndic, soit à son initiative, soit à la requête d'un copropriétaire, à charge alors pour le syndic de procéder à la consultation dans les vingt et un jours qui suivent la demande (Art. 42-4 Décret du 17 mars 1967.)

Dès lors que la consultation est effectuée par écrit, le syndic doit préciser le délai au terme duquel les copropriétaires doivent répondre (Art. 41-12 al. 2 et  3 Décret du 17 mars 1967).

Enfin, pour que les décisions prises à l’occasion de cette consultation soient valables, il est nécessaire que les copropriétaires aient tous exprimé leur vote selon l'une des modalités suivantes (Art. 42-3 du décret du 17 mars 1967) :

  • par présence physique, y compris dans le cadre d'une délégation de vote ;
  • par visioconférence, audioconférence ou tout autre moyen de communication électronique admis par décision de l'assemblée générale ;
  • par courrier, sur support papier ou électronique.

Les modalités de participation ou, de manière plus générale, permettant à un copropriétaire de faire connaître sa position, sont donc extrêmement larges puisqu’elles vont de la traditionnelle participation en présentiel à la confirmation écrite par simple courrier, mail, voire un sms sur téléphone portable.

Pour autant, lorsque le copropriétaire a participé à la consultation par visioconférence ou audioconférence, il doit confirmer le sens de son vote « par tout moyen dans les quarante-huit heures qui suivent la réunion ». A défaut, la décision n'est pas valablement prise (Art. 42-5 al. 3 du décret du 17 mars 1967). L’objectif est d’avoir dans tous les cas une trace écrite du vote de chaque copropriétaire afin d’éviter toute contestation. Or, dans le cadre d’une participation à distance, l’accord demeure purement verbal : il doit donc être confirmé, par tout moyen nous dit-on, ce qui suppose la possibilité d’envoyer un simple mail ou, ici encore, un texto. On notera qu’en pratique, ce délai de quarante-huit heures conféré à certains copropriétaires constitue ni plus ni moins qu’un délai de réflexion leur permettant, le cas échéant, de modifier le sens de leur vote.

Chacune des décisions prises par voie de consultation doit être consignée sur un procès-verbal établi et signé par le syndic, comportant le sens du vote de chaque copropriétaire et la signature des copropriétaires présents. Y sont annexés les écrits par lesquels les copropriétaires ont exprimé ou confirmé le sens de leur vote, notamment lorsqu’ils ont participé à distance à la réunion. Ce procès-verbal est ensuite annexé au registre des procès-verbaux des assemblées générales (Art. 42-5 du décret du 17 mars 1967).

Les mesures concernant les syndicats de forme coopérative

Des adaptations ont également été apportées pour les petites copropriétés ayant adopté la forme coopérative (Art. 41-11 de la loi du 10 juillet 1965).  La plupart ne constituent cependant pas des nouveautés puisqu’elles étaient prévues initialement par l’article 17-1-1 de la loi du 10 juillet 1965, avant que celui-ci ne soit abrogé par l’ordonnance d’octobre 2019. Toutefois, les pouvoirs publics ont cherché à favoriser l’adoption par les copropriétaires de la forme coopérative puisque la nécessité pour le règlement de copropriété de prévoir expressément cette possibilité a été supprimée (Voir la nouvelle rédaction de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019. Cette disposition concerne toutes les copropriétés indépendamment de leur taille ou du montant de leur budget prévisionnel). .

Ainsi, lorsqu’il a été décidé de ne pas instituer de conseil syndical, l’assemblée générale peut élire le syndic parmi ses membres, à la majorité de l’article 25. L'assemblée générale peut également désigner un copropriétaire pour suppléer le syndic en cas d'empêchement de celui-ci, « l’un et l’autre étant révocables dans les mêmes conditions ».

On notera que si le texte prévoit expressément la majorité de l’article 25 pour la désignation du syndic, il est muet quant à la majorité applicable à la désignation de son suppléant. La majorité de l’article 24 étant une majorité par défaut, elle devrait ici s’appliquer en dehors de toute mention contraire. On peut toutefois penser qu’il n’en est rien. D’une part, il est difficilement concevable que la désignation de la personne amenée à suppléer le syndic se fasse à une majorité moindre que celle requise pour celui-ci. D’autre part, les modalités de révocation se faisant dans les mêmes conditions, il serait logique, par symétrie, qu’il en aille de même pour leur désignation. Aussi la majorité de l’article 25 semble-t-elle devoir s’appliquer à la désignation du suppléant du syndic.

À l’instar de ce qui était auparavant prévu par l’ancien article 17-1-1, l’assemblée générale doit désigner une ou plusieurs personnes physiques ou morales, qui peuvent être des copropriétaires ou des personnes extérieures qualifiées, afin d’assurer le contrôle des comptes du syndicat.

Enfin, en cas d'empêchement du syndic ou de défaillance de celui-ci mettant en péril la conservation de l'immeuble, la santé ou la sécurité des occupants, chaque copropriétaire peut prendre l'initiative de convoquer une assemblée générale extraordinaire afin qu'elle désigne un nouveau syndic ou qu'elle prenne les décisions nécessaires à la conservation de l'immeuble, de la santé ou de la sécurité de ses occupants.

Ces différentes mesures font preuve d’un souci de pragmatisme évident en vue de simplifier la gestion de ces copropriétés souvent désorganisées ou fonctionnant de façon autonome, sans recherche d’un quelconque respect du formalisme légal. En effet, combien d’assemblées générales, convoquées avec tout le formalisme qui en découle, se tiennent réellement ? L’instauration d’un droit de réunion et de consultation permet ainsi de conférer une valeur juridique à une pratique répandue et de sécuriser les décisions prises. Il a fallu cependant, au nom du droit de propriété, apporter un minimum de sécurité. La nécessité de recueillir systématiquement l’unanimité dans le cas des petites copropriétés ou d’imposer une confirmation écrite des réponses orales des copropriétaires peut apparaître certes comme un frein à l’effectivité du droit de réunion mais permet, en contrepartie, d’éviter des abus, et notamment des décisions contraires à la destination de l’immeuble ou portant atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives.

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