Depuis le début de l’année, la crise s’intensifie pour les locataires. Les impayés de loyers sont en hausse, et les consultations auprès de la Banque de France bondissent de plus de 30%, y compris pour les personnes en emploi ou retraitées, depuis le début de l’année. 42% des Français modestes sautent un repas, notamment chez les jeunes. Nous constatons que lors des récentes émeutes urbaines, il y a eu de nombreux pillages de magasins d’alimentation, phénomène inédit à analyser en cette période d’inflation.

Nous, associations de locataires, présentes sur l’ensemble des territoires et en contact direct avec les habitants, adressons quatre propositions d’urgence face aux crises récentes avant la présentation du budget.

  • Face à la hausse des loyers et des charges, nous appelons le gouvernement à revaloriser les APL

Les loyers progresseront encore de 3,5%, soit une hausse historique depuis plus de 25 ans. À ce jour, le gouvernement refuse de compenser cette hausse des loyers pour les plus fragiles par une hausse suffisante des APL. La grande majorité des locataires est exclue des APL, et sera donc sans aide face à cette augmentation. Ils seront également expulsables sans la moindre solution et beaucoup plus rapidement du fait de la loi Kasbarian, avec des recours réduits à la portion congrue. Nous sommes très loin de la promesse de 2017 qu’aucune personne ne dormira dans la rue d’ici 2018, vu la hausse exponentielle des expulsions.

Nous constatons malheureusement aussi une forte hausse des charges locatives chez plusieurs bailleurs sociaux et privés, avec des provisions en hausse de 40% à 70% par mois.

Il est essentiel de revaloriser urgemment les APL et son forfait charges pour soutenir les ménages face à ces hausses, après une stagnation de ce dernier depuis plus de 12 ans. Des moyens humains pour l’accompagnement des ménages en cas d’impayés et la mise à disposition des logements vacants depuis plus d’un an sont aussi vitaux.

Face au taux d’effort trop important des locataires, atteignant jusqu’à 50% des revenus des ménages dans le parc privé, il est important de mettre en place un gel des loyers avec compensation pour les bailleurs du parc social.

  • Face à la crise énergétique, nous appelons le gouvernement à maintenir le bouclier tarifaire et revaloriser le chèque énergie

Alors que les prix de l’énergie se sont envolés en 2022, beaucoup de nos concitoyens tombent dans la précarité. L’annonce le 18 juillet par le gouvernement d’une nouvelle hausse de 10% des prix de l’électricité (après une première hausse en février de 15%), sans la moindre concertation et en dépit des multiples engagements pris depuis janvier, est un coup de poignard dans le dos des habitants que nous ne pouvons tolérer. Nous appelons le gouvernement à revenir sur cette décision et à maintenir le bouclier tarifaire compte tenu de la forte volatilité du marché.

De plus, il est nécessaire que le chèque énergie soit accessible pour les classes moyennes et permette réellement d’aider au paiement des charges d’électricité et de chauffage face à ces multiples hausses.

Nous recommandons un chèque allant de 200 à 600 euros pour les personnes ayant des revenus inférieurs à 2000 euros par mois. À ce jour, une personne au SMIC ne peut pas prétendre à cette aide nécessaire, alors que l’électricité a augmenté de plus de 30% en un an, et que les prix du gaz ont doublé en habitat collectif. Le chèque devra également s’adapter à l’évolution des prix de l’énergie, pour ne pas fragiliser davantage les locataires et propriétaires occupants. Le renforcement ou la création des outils nécessaires à la rénovation énergétique (création d’une vraie Prime Rénov’ HLM, emprunt collectif en copropriété, prêts à taux zéro renforcés) s’impose.

À plus long terme, nous soutenons les démarches vers un vrai service public de l’énergie, avec le retour du tarif réglementé de vente sur le gaz et d’un monopole d’État pour contenir la volatilité des cours.

  • Face au risque de ghettoïsation, nous appelons le gouvernement à défendre le principe de mixité sociale dans les HLM

Face à cette situation, le Conseil national de la refondation qui devait trouver des solutions pérennes, semble enterré, comme le fut le plan Borloo pour les banlieues en 2018. Le gouvernement a indiqué à plusieurs bailleurs son souhait d’augmenter le supplément de loyer de solidarité (SLS) dans les HLM pour les ménages des classes moyennes. Ceux dépassant, même temporairement, les plafonds en vigueur ne pourront plus rester en HLM et ne pourront pas trouver de solutions dans le parc privé. Nous défendons le principe d’un logement abordable pour tous, et non restreint aux plus pauvres. Nous ne pouvons accepter une politique faisant fuir les classes moyennes et aggravant la paupérisation de nos quartiers.

  • Face à la crise du logement, nous appelons le gouvernement à reprendre le financement des constructions de logements

L'ancien ministre du Logement, Olivier Klein, indiquait récemment que le logement est une « bombe sociale ». Les faits lui donnent malheureusement raison. Les premiers échos du budget 2024, ainsi que la convention entre l’État et Action Logement, confirment que le logement n’est pas jugé prioritaire dans l’action publique. La disparition du financement du Fonds national d’aide à la pierre (FNAP) et la baisse des constructions ne sont pas tolérables alors que nous manquons cruellement de logements. Rien qu’en Île-de-France, les agréments HLM 2022 se sont limités à 21 800 logements (contre un objectif de 37 000 logements), alors que 780 000 ménages franciliens sont demandeurs d’un logement social.

Nous appelons le gouvernement à sanctuariser et augmenter le budget du logement et de la politique de la ville pour mener une politique ambitieuse sur l’ensemble du territoire et remplir enfin les objectifs de constructions utiles aux habitants. Le secteur du logement reste extrêmement profitable pour l’État par rapport à ses dépenses, et il nous semble déraisonnable de considérer des acteurs clés dans la cohésion des territoires comme des vaches à lait (réduction de loyer de solidarité, ponctions annuelles chez les bailleurs sociaux).

Le retour à une TVA réduite à 5,5% pour l’ensemble des constructions de logements sociaux est une nécessité absolue. Nous appelons le gouvernement à rétablir un financement direct du FNAP par l’État.

L’accession sociale à la propriété est un marqueur important de l’ascenseur social. À ce titre, le maintien des prêts à taux zéro (PTZ), y compris dans les villes moyennes et les zones rurales, répond à cette aspiration des ménages.

Nous ne tolérerons pas que les locataires se saignent (baisse des APL, flambée des loyers et de l’énergie, manque d’accompagnement en cas de difficulté, baisse de l’entretien et de la maintenance du parc), tandis que le gouvernement semble envisager de plus en plus un abandon et une privatisation complète du logement social.

 Face à l’urgence sociale que traversent nos concitoyens, nous ne pouvons perdre de temps. L’AFOC, la CGL, la CLCV, la CNL, et la CSF appellent le gouvernement et l’ensemble des groupes politiques de l’Assemblée nationale à soutenir ces propositions.

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