Hausse générale des impayés

L’observatoire national des impayés a été mis en place en 2020 à la suite de la crise sanitaire. Cet observatoire, géré par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) et le ministère du logement, a pour objectif de quantifier les évolutions d’impayés de loyers et de charges et de proposer des actions pour limiter ces impayés dans le secteur privé et HLM.

Les séances sont présidées par le ministre du logement en fonction. C’est dans ce cadre que la CLCV a alerté à plusieurs reprises le gouvernement sur les mesures de soutien requises pour les locataires, qu’il s’agisse de plans d’étalement ou d’apurement des dettes, d’aides financières ou d’adaptation des dispositifs existants (bouclier tarifaire pour l’énergie, fonds de solidarité logement pour apurer les dettes, chèque énergie, hausse des APL). Concernant la situation, les données sont terribles. Pour la période 2023-2025, selon l’ANIL et la fondation pour le logement des défavorisés (FLD, ex-Fondation Abbé Pierre), nous avons une « hausse significative et durable des procédures pour impayés depuis 2020 ». Cette situation est confirmée chez l’ensemble des acteurs (bailleurs privés, bailleurs sociaux, ANIL, opérateurs de la CAF, logement accompagné). Les consultations pour dettes locatives ont progressé de 11 % entre 2023 et 204, et de 34 % depuis 2022.

Au sein du parc social, 18,7 % des locataires avaient un retard de paiement du loyer au 31 décembre 2023. 6,4 % des ménages avaient un retard entre 1 et 3 mois, et 1,4 % avait un retard de plus de 3 mois. Cela signifie qu’environ 800 000 personnes avaient un retard de loyer de plus de 1 mois. Ces chiffres se retrouvent dans le nombre d’actions contre des locataires. Les commandements de payer sont en hausse de 25 % depuis 2020. Il en est de même pour les contentieux en justice (23 %), et plus grave encore avec les expulsions (125 %). Désormais, plus de 54 % des expulsions avec concours des forces de l’ordre ont lieu dans le parc social, soit plus de 13 000 pour l’année 2024, soit davantage que le parc privé. Le parc social n’est donc plus une garantie de maintien dans le logement en cas de difficulté.

Forte polarisation des montants des impayés

Un second signal d’alerte est le montant de l’impayé. D’après les données de l’ANIL dans le cadre de ses consultations départementales, la répartition des dettes locatives tend vers deux extrêmes : les dettes de moins de 1 000 euros et les dettes de plus de 6 000 euros, avec une dette autour des 3 000 euros dans la moitié des cas. Ces situations sont selon l’ANIL dues à une difficulté « à boucler les fins du mois », avec comme premier facteur la perte de revenu, suivi de la difficulté à gérer son budget. La hausse des loyers et charges ne concernerait que 1,8 % des consultations de l’ANIL dans les causes de dettes locatives, même si cette raison est en forte hausse (50 % par rapport à 2022). Toutefois cette analyse concerne surtout le parc privé, car les consultations de l’ANIL pour des dettes dans le parc social ne représentent que 25 % du total des consultations pour dettes, en progression par rapport à 2022 (5 %).

Pour la CLCV, cela révèle plutôt de la difficulté des locataires à obtenir une aide en cas de difficulté (dématérialisation et procédure trop complexe) et la forte progression des dettes liées aux régularisations de charges. Au sein de notre réseau, nous avons constaté de plus en plus de régularisations extrêmement fortes, allant de 2 000 euros à 10 000 euros pour une seule année. Nous avons à ce titre alerté le gouvernement sur l’aggravation des régularisations du fait de la disparition du bouclier tarifaire ou de sa mauvaise application par les bailleurs sociaux.

Pas de réponse du gouvernement face aux alertes

Face à cette situation dramatique, le gouvernement n’apporte pas de réponse. Nous lui avions toutefois fait plusieurs propositions, reprises par les autres acteurs présents. La première était l’harmonisation et la coordination des fonds de solidarité logement (FSL). Ces fonds, gérés par les départements, ne disposent pas des mêmes règles pour en bénéficier et des mêmes objectifs d’accompagnement. Dans certains départements, il s’agit d’une aide durable pour maintenir les locataires dans leur logement, et dans d’autres il s’agit seulement d’une aide temporaire souvent insuffisante. Il en est de même sur la nécessité d’augmenter les aides personnelles au logement (APL), notamment son forfait charges pour aider au paiement des factures de chauffage. Une prochaine réunion est prévue en octobre, afin d’évaluer l’évolution notamment dans le parc social. Nous y participerons et ferons entendre largement la voix des locataires.

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