En décembre 2015, la CLCV a fait part de son désaccord avec la position des industriels qui considèrent, au nom de l'emploi et du libre choix des usagers (!), qu'en donnant la priorité aux filières traditionnelles (fosses septiques ou toutes eaux avec traitement par le sol), l'Agence ne respecte pas la réglementation et pénalise les autres filières qu'ils construisent.

La CLCV qui agit depuis de nombreuses années dans ce domaine, rappelle l'analyse qu'elle fait de ce dossier et ses propositions en la matière. Elle ne rejette pas, par principe, les nouvelles filières agréées qui peuvent s’avérer dans certains cas plus adaptées aux caractéristiques des sols et des parcelles, ou correspondre à des choix des usagers.

Cependant nos enquêtes réalisées sur le terrain et les témoignages d'usagers font ressortir une réalité qui plaide pour la priorité au traitement par le sol, chaque fois que cela est possible, pour plusieurs raison:

  • le principe général de l'efficacité et de la simplicité du traitement par le sol des eaux usées domestiques est largement reconnu depuis des décennies, ce qui plaide pour les filières traditionnelles (fosse septique pour les eaux vannes et traitement simplifié pour les eaux ménagères, ou fosse toutes eaux), ainsi que pour certaines filières agréées de type phytoépuration, toilettes sèches et leur complément pour le traitement des eaux ménagères, et certains dispositifs compacts sans mécanisme complexe;
  •  la grande majorité des installations existantes traditionnelles de plus de 10 ans correspond à cette filière traditionnelle de fosse septique ou toutes eaux. Les observations des services déconcentrés de l’État et des Agences de l'eau, encore partielles et incomplètes, montrent tout de même que globalement les pollutions générées par l'ANC sont faibles, mêmes si elles peuvent être localement réelles sur certains territoires sensibles. Lorsque ces installations existantes sont incomplètes ou présentent des défauts de fonctionnement, il est assez aisé et au moindre coût de réparer les éléments défectueux ou de compléter l'installation;
  •  la réglementation elle-même telle qu'elle est rédigée pose comme principe un traitement par le sol, si l'on s'en tient au sommaire de l'arrêté prescriptions techniques. L'arrêté définit dans sont chapitre I (articles 1 à 4), les principes généraux applicables à toutes les installations. Le chapitre II fixe les prescriptions techniques minimales applicables au traitement des installations neuves ou à réhabiliter (article 5) et comporte deux sections comportant:

              - d'abord, l'article 6 qui détaille les prescriptions pour les installations avec traitement par le sol en place ou par un                  massif reconstitué;

             - puis les articles 7 à 10 celles qui concernent les installations avec d'autres dispositifs de traitement, c'est à dire les                 filières agréées, en établissant les modalités de leur agrément.

Nous considérons donc que cette rédaction qui tient compte de l'antériorité des filières traditionnelles et du recul important qui permet d'apprécier leur efficacité, et qui indique à l'article 7 : "Les eaux domestiques peuvent être également traitées par des installations composées de dispositifs agrées...", valide la priorité que l'on peut accorder aux filières traditionnelles.

Par ailleurs plusieurs questions se posent en ce qui concerne les filières agréées, que nous avions publiées en 2015

Nous avons pu constater, comme l'ont fait certaines Agences de l'Eau, que des services publics d'ANC (SPANC) allaient au-delà de leurs prérogatives, en forçant la main aux usagers en les incitant fortement, voire en leur imposant ce type d’installation. Ainsi sur certains territoires, la totalité des dossiers présentés aux Agences étaient des dossiers de filières agréées (constructions neuves ou réhabilitation), ce qui montre dans ce cas que le libre choix des propriétaires entre les différentes filières n'était pas respecté.

Trop d'exemples montrent que les usagers n'ont pas eu tous les éléments en main pour choisir en connaissance de cause, en particulier sur le coût de fonctionnement (pièces tournantes, pompes, consommations électriques, fréquence de vidanges...), qui génèrent des dépenses notables trop souvent occultées.

Il y a le risque de voir un agrément suspendu ou retiré, si l’observation du fonctionnement dans la durée chez les usagers montre des risques sanitaires ou environnementaux ; or, il y a encore trop peu de données dans ce domaine et l’expérience montre des dysfonctionnements importants de certaines générations de micro-stations - certaines ayant été retirées du marché. Les conséquences pour les usagers peuvent être lourdes et il n'existe pas de fond de garantie lorsque les entreprises en cause n'existent plus.

Lors des travaux engagés dans le cadre du Plan d'action national pour l'ANC, à plusieurs reprises des questions ont été soulevées par certains spécialistes, sur l'efficacité réelle du traitement des eaux usées des micro-stations. On peut avoir des doutes quant au traitement effectué, pour certaines d’entre elles qui sont qualifiées de systèmes de prétraitement et traitement, alors qu’elles sont des systèmes « au fil de l’eau », c’est-à-dire que pour un volume entrant, il y a le même volume sortant avec un certain décalage temporel. Comme le montrent certains calculs, il n'est pas garanti, selon les techniques utilisées, que les eaux en sortie d'installation soient traitées suffisamment correctement pour pouvoir être rejetées directement dans le milieu hydraulique sans infiltration dans le sol, contrairement à ce que peuvent laisser entendre certaines publicités.

Une procédure d'agrément qui garantit peu: les procédures d'agrément par les ministères de l’écologie et de la santé, sont établies par la réglementation, sur la base des indications des fabricants et de l’évaluation, par des organismes habilités, des résultats obtenus sur plate forme d’essai ou sur site. Les dispositifs doivent remplir les mêmes fonctions et respecter les mêmes obligations que les filières traditionnelles. Pour le grand public, la notion d'agrément par l’État, induit une garantie de qualité et de bon fonctionnement, ce qui n'est pas l'objet de cet agrément; Or, l'expérience montre qu'il n'a pas permis d'éviter la mise sur le marché d'installations qui se sont avérées défaillantes.

Les propositions de la CLCV

La CLCV demande que les Agences de l'eau prennent en compte ces réalités, et qu'une concertation s'engage pour une nécessaire harmonisation des critères d'aide aux usagers, aujourd'hui trop inégaux entre les différentes Agences, et entend bien que la préparation de leur 11ème programme (2019-2024) en soit l'occasion.
Parmi les critères à revoir, la priorité au traitement par le sol doit être officialisée, ce qui veut dire qu'il doit être étudié tant pour les constructions neuves que pour les réhabilitations intégrales dans le cas où l'installation en place génère un risque pour l'environnement ou un danger pour la santé dont le preuve est établie. L'impossibilité d'y avoir recours doit être démontrée techniquement et économiquement.
Dans le cas où plusieurs types de filière sont possibles, ou à la demande des propriétaires, une étude comparative entre filière traditionnelle et filière agréée doit être présentée.
Enfin, elle invite les Agences à prendre en considération et à soutenir les évolutions qu'il est nécessaire d'apporter à la réglementation technique avant la mise en œuvre des prochains programmes, en particulier ce qui concerne le dimensionnement des installation et le mode de traitement des eaux usées domestiques.

 

 

Extrait du "Plaidoyer" de 2015

Les Fondamentaux à revoir

La CLCV et les usagers de l’ANC qu’elle fédère ne se contentent pas de dire ce qui ne va pas, de régler les litiges entre usagers et SPANC ou professionnels, de demander à être consultés. A partir de l’expérience acquise, des compétences qui les accompagnent, elle formule des propositions concrètes qu’elle soumet aux pouvoirs publics afin de réorienter la politique de l’assainissement non collectif, en revenant à des choses simples, efficaces et au moindre coût, qui entraînent l’adhésion des usagers.

Établir la vérité

Disons-le tout de suite, nous saluons la qualité des travaux menés par l’ONEMA dans le cadre du SISPEA et la sincérité avec laquelle les rapports sont publiés. Nous apprécions aussi l’intérêt des travaux menés dans le cadre du Plan d’Action National de l’ANC (PANANC).

A partir des données objectives aujourd’hui disponibles et des lacunes identifiées, nous demandons aux pouvoirs publics d’affirmer clairement :
- que les usagers, les premiers acteurs de l’ANC, doivent être pris en considération, respectés et écoutés ;
- que la situation de l’ANC n’est pas aussi noire que certains le laissent entendre et qu’il est impératif de revenir à des choses simples ;
- qu’il est faux de dire que toutes les installations seront à refaire ;
- qu’il n’y a pas de solution miracle, et qu’il convient de simplifier la vie aux usagers et aux élus en s’en tenant prioritairement aux installations utilisant le pouvoir épurateur du sol ;
- la nécessité de laisser tranquille la grande majorité des usagers dont les installations fonctionnent correctement, souvent depuis longtemps.

Revenir à des choses simples

- Traitement par le sol prioritaire ;
- Libre choix entre le traitement séparé ou commun des eaux usées à performance équivalente ; l’une ou l’autre des solutions pouvant être imposée par la configuration des lieux et des bâtiments ;
- Utiliser toutes les données disponibles, y compris celles des sociétés de pêche, sur la qualité des milieux, pour éviter les études inutiles ;
- Assouplir le zonage d’assainissement et sa révision ;
- Favoriser le mini-collectif sous maîtrise d’ouvrage public quand c’est judicieux et lorsque les usagers le demandent ;
- Assouplir les conditions de mutualisation des moyens entre collectivités et services ;
- Mettre toute la priorité des efforts et des aides à harmoniser sur les réels points noirs (absence d’installation et pollutions avérées démontrées), et relâcher la pression sur les autres ;
- Instaurer une réelle concertation locale, à rendre obligatoire dès lors que les usagers en font la demande.

Établir un moratoire, le temps d’y voir plus clair

- Se donner le temps de consolider les données établies par l’ONEMA et l’Observatoire du PANANC pour arriver à un consensus entre tous les acteurs de l’ANC ;
- Devant l’étendue des incertitudes, et des inconnues, arrêter les poursuites à l’encontre des usagers et lever les contraintes trop fortes ;
- Améliorer les contrôles : clarifier les notions de « conforme », « non conforme » et poursuivre la formation des agents ;
- Étudier et rechercher des données objectives sur l’efficacité des filières et les pollutions réelles y compris des filières traditionnelles ;
- Réviser les modalités d’agrément des autres filières : mise sur le marché après résultat d’un suivi in-situ ;
- Procéder à un audit de fonctionnement et des coûts des services d’ANC.