C’est un jugement que nombre d’élus vont regarder de près car il risque bien de faire jurisprudence. En annulant la prolongation jusqu’en 2018 du contrat conclu par la ville de Troyes avec Veolia, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est venu rappeler un principe posé par la loi Barnier du 2 février 1995, réaffirmé par le Conseil d’Etat en 2009 dans l’arrêt Olivet : les contrats conclus avant 1995 et prévoyant une durée de plus de 20 ans seront caducs à compter du 5 février 2015.

Nécessité économique impérative

Il y a une possibilité d’y déroger mais il faut pouvoir justifier d’une nécessité économique impérative. C’est-à-dire démontrer que les investissements pris en charge par le délégataire à l’origine du contrat ne peuvent être amortis sur la durée normale du contrat, à savoir, 20 ans. C’est précisément dans cette brèche que se sont engouffrées la municipalité de Troyes et la société Veolia.

Signé en 1993, le contrat de délégation de service public de l’eau devait initialement durer 25 ans. Mais en 2011, le contrat devenant caduc en 2015, la municipalité décide de le prolonger jusqu’à son terme initial (c’est cette délibération, contestée par des élus de l’opposition, que le tribunal administratif a annulé le 14 janvier 2014) et autorise le maire à signer un avenant pour la réalisation de travaux supplémentaire sur le réseau d’eau, à savoir, le changement des branchements en plomb avant l’échéance du 25 décembre 2013.

Le tribunal administratif a estimé qu’aucun élément chiffré au dossier ne permettait d’établir que le montant des investissements n’aurait pas effectivement été amorti d’un point de vue économique en février 2015 et donc « que le fondement économique de la durée initiale n’est pas justifié ». Quant à l’avenant concernant le changement des branchements en plomb, il ne peut pas lui non plus être « pris en compte comme un élément constitutif de justifications particulières ». Avenant qui, de plus, fait plus que doubler l’investissement annuel moyen prévu à l’origine, ce qui modifie donc l’économie générale de la délégation.

Aucune indemnité due

Pour justifier la prolongation du contrat, la commune mettait en avant l’indemnisation de plus de 9 millions d’euros qu’elle aurait dû verser à Veolia en cas de résiliation anticipée. Un argument que le tribunal n’a pas retenu, estimant que dans ce cas, « aucune indemnisation ne peut être due ».

Voilà qui devrait intéresser de nombreuses municipalités qui ont tout intérêt à anticiper l’échéance de février 2015 et à se préparer à renégocier leur contrat ou à envisager un autre mode de gestion (retour en régie) : plusieurs l’ont fait depuis 2008 avec, à la clé, des coûts abaissés de 20 % à 25 % pour les consommateurs.