Notion de services et d’éléments d’équipement commun

Il appartient au règlement de copropriété de définir les éléments d’équipement commun de l’immeuble (ascenseur, chaudière...). C’est auprès de ceux-ci que le critère d’utilité va être apprécié. Toutefois, dans certains cas, la qualification peut s’avérer litigieuse. Dans une affaire, un règlement de copropriété avait qualifié un ascenseur non pas d’ « équipement », mais de « parties communes » de sorte que certains copropriétaires demandaient que les charges y afférentes soient réparties en fonction des charges générales. 

Les juges ne se sont pas sentis liés par cette qualification et ont considéré que le critère d’utilité devait s’appliquer malgré tout (cour d'appel de Paris, 13 juin 2002). À l’inverse, dans d’autres cas, il est tenu compte de la qualification du règlement de copropriété. On citera par exemple les tapis d’escaliers. Que ceux-ci soient qualifiés d’équipement commun et les charges qui en résultent se- ront  éparties en fonction du critère d’utilité (Cour de cassation du 23 novembre 1977). 

À l’inverse, une qualification de partie commune entraînera une répartition selon la pro- portion des valeurs relatives des parties communes (Cass. 3ème civ., 10 mai 1994). Il faut donc s’appuyer sur le règlement de copropriété et analyser au cas par cas l’intention du rédacteur en cas de disposition litigieuse.

Le critère d’utilité

L’utilité que représente un service collectif ou un élément d’équipement commun doit s’entendre comme une utilité objective, c’est-à-dire comme potentielle à l’égard de chaque lot sans prendre en compte l’utilisation effective réalisée (cour d'appel de Versailles, 16 avril 1992). En conséquence, le fait pour un copropriétaire de renoncer à l’utilisation d’un équipement ne l’exonère nullement de participer aux charges afférentes (Cour de cassation du 26 octobre 1983). Mais la notion d’utilisation objective, va plus loin.

Un copropriétaire qui, par exemple, se désolidarise du système de chauffage doit continuer de participer aux charges qui en découlent alors même qu’il n’a plus la faculté d’utiliser cet équipement (Cour de cassation du 26 octobre 1983). De même, peu importe que l’équipement ne présente aucun intérêt objectif en raison de la configuration des lieux, dès lors que son utilisation demeure possible. Voir par exemple ce cas où les juges ont considéré qu’un copropriétaire devait supporter des charges d’ascenseurs dans la mesure où il n’y avait aucun obstacle matériel ou juridique à son utilisation, quand bien même cet élément n’en assure pas la desserte directe ou n’en constitue ni le seul accès, ni l’accès le plus commode, le plus rapide ou le plus court (cour d'appel de Paris, 17 décembre 1982).

Plus subtil : un copropriétaire qui ne bénéficie pourtant pas d’un équipement peut être contraint de participer financièrement à son fonctionnement et son entretien. C’est le cas du lot non raccordé au système de chauffage central : il suffit que le raccordement soit possible pour que les charges soient effectivement dues (Cour de cassation 13 avril 1988). Ce n’est que si les travaux de raccordement sont importants et doivent être entrepris aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux privatifs que le copropriétaire peut être exclu de la grille de répartition des charges (cour d'appel de Versailles, 2 juin 1998). Les juges peuvent donc faire preuve d’une très grande sévérité dans l’appréciation du concept d’utilité objective.

Par ailleurs, d’autres critères que l’utilisation potentielle ou non d’un équipement peuvent être utilisés. L’exemple type est l’ascenseur. Le critère d‘utilité est ici fonction du nombre de pièces principales des lots desservis et d’un coefficient d’étage prenant en compte la diminution de la fatigue par les copropriétaires et le gain de temps que leur procure l’ascenseur (cour d'appel de Paris, 10 février 2000). On ne peut donc imputer une grille de charges d’ascenseur identique pour tous les lots d’un immeuble, laquelle se- rait alors contraire aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 et pourrait faire l’objet d’une action en annulation.

Un cas problématique : la cage d’escalier

La cage d’escalier n’est pas un élément d’équipement au même titre qu’un ascenseur ou une chaufferie commune, mais fait partie du gros œuvre de l’immeuble. Les juges considèrent que les travaux d’entretien ou de réfection des escaliers constituent des charges générales (Cour de cassation du 12 janvier 1982). Mais qu’en est-il de la participation des lots situés au rez-de chaussée ? Dans la mesure où il s’agit de travaux portant sur éléments du bâti, ces derniers doivent également participer aux frais afférents à l’escalier (cour d'appel de Paris, 9 mars 2006). 

Dans une affaire, les magistrats ont estimé que la clause du règlement de copropriété qui exonère des lots n’ayant pas d’accès aux escaliers de toute participation aux frais d’éclairage et d’entretien ne s’appliquait pas aux travaux de rénovation de la cage d’escalier (cour d'appel de Paris, 8 février 2012). Il s’agit ici d’une interprétation stricte de la lettre du règlement de copropriété, les juges estimant qu’en l’absence de dérogation précise, les règles définies par la loi du 10 juillet 1965 devaient s’appliquer.

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