Alors que la proposition de loi « anti-squat » déposée par Guillaume Kasbarian vient d’être adoptée en première lecture, le texte devant passer à nouveau devant l’Assemblée nationale, aucune mesure concrète visant à lutter contre le mal logement n’a été prise en parallèle. Pour mémoire, rappelons que si ce texte vise à lutter contre le squat, il consiste surtout à pénaliser financièrement (7 500 € d’amende !) le locataire qui resterait sur place après une procédure d’expulsion sans même qu’il puisse être relogé. Et encore, sans doute devrions-nous nous estimer heureux : la version initiale de la proposition de loi visait purement et simplement à faire du maintien dans les lieux par le locataire un délit punissable de 6 mois d’emprisonnement.

On ne peut que regretter la promptitude des pouvoirs publics à légiférer sur un sujet qui ne concerne qu’une centaine de cas par an alors même que 4 millions de personnes sont mal logées, dont 300 000 sans domicile fixe. Et que fait-on pour elles ? Va-t-on voter une nouvelle loi ? Une énième loi « logement » à l’acronyme savamment étudié pour faire office de note d’intention à défaut de réelle volonté politique ? Or, il suffirait d’utiliser les outils à notre disposition mais dont les pouvoirs publics, pour des raisons essentiellement électoralistes, ne souhaitent entendre parler.

Sachant que l’on compte 18 600 logements vacants depuis plus de 2 ans à Paris* et 400 000 en Île-de-France**, qu’attend-on pour les réquisitionner ? En 1995, Jacques Chirac, alors président de la République et à l’origine de la loi sur le Droit au logement opposable (dite « loi DALO »), avait réquisitionné des immeubles parisiens pour loger des familles en difficulté. Et Marie-Noëlle Lienemann, ministre du Logement en 2001, avait fait de même. Pourtant, le silence de l’actuel ministre, Olivier Klein, pendant les débats sur cette proposition de loi, a été assourdissant. Et s’il avait indiqué que "la réquisition des logements vacants peut être un levier"***, aucun acte ne semble aller en ce sens. Au regard du contexte actuel, un positionnement aussi timoré est incompréhensible.

Si le droit de propriété est un droit constitutionnel, « naturel et imprescriptible » pour reprendre les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le droit au logement en est également un. Surtout, la réquisition n’est en aucun cas une atteinte au droit de propriété dans la mesure où le propriétaire percevra une indemnité, laquelle sera toujours préférable à laisser un bien vacant. Les pouvoirs publics seraient donc avisés d’agir avec célérité pour permettre aux plus fragiles d’être logés décemment plutôt que de chercher à précariser encore davantage les locataires en difficulté.

Nous demandons donc à ce qu’un plan de réquisition des locaux vacants soit élaboré afin de pouvoir répondre, même temporairement, à la problématique du mal logement en France.

Sources : *APUR (d’après le fichier LOVAC) - **INSEE (Flash Ile-de-France n° 61 - 07/10/2021) - ***Le télégramme, 1er février 2023.

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