Le règlement de copropriété constitue un véritable socle. Non seulement il définit la destination de l’immeuble, ses parties privatives et communes, mais également les modalités de répartition des charges entre les copropriétaires ainsi que leurs droits et obligations. Une véritable « charte fondatrice », pour reprendre l’expression du professeur Atias, unissant les copropriétaires entre eux, mais également « ceux-ci et le syndicat ». Le contenu du règlement de copropriété n’est pas entièrement libre, la loi du 10 juillet 1965 constituant un texte d’ordre public qui en circonscrit les limites. Ainsi, toute clause contraire à ce corpus législatif est réputée non écrite. Or, les conséquences pratiques d’une telle qualification ne sont pas toujours connues alors même qu’elles sont spécifiques et ne se confondent pas avec le régime de la nullité. D’où la nécessité d’en appréhender un minimum les contours.

Une loi en (grande) partie d’ordre public

Conformément aux dispositions de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, « toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites ». La quasi-totalité de la loi du 10 juillet 1965 et des dispositions du décret du 17 mars 1967 y afférentes sont donc d’ordre public de sorte que le règlement de copropriété ne peut en aucun cas y déroger. Cette prohibition n’est toutefois pas absolue. On le voit ainsi pour les articles 2 et 3 de la loi, lesquels définissent les parties privatives et communes de l’immeuble, mais « dans le silence ou la contradiction des titres ». Les précisions apportées ne sont donc que supplétives, les clauses du règlement de copropriété devant s’appliquer en priorité. Il en va de même des articles 38 à 41 de la loi, constituant son chapitre IV consacré à la reconstruction de l’immeuble. Le règlement de copropriété peut donc contenir des clauses contraires et fixer ainsi, par exemple, des règles de majorité différentes à celles prévues pour voter la reconstruction d’un bâtiment détruit totalement ou partiellement.

Par ailleurs, dans certains cas, le législateur a prévu des dérogations, sans pour autant remettre en cause les dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965. Ainsi, dans les immeubles à destination totale autre que d’habitation, lorsqu’un syndicat de copropriétaires est composé exclusivement de personnes morales, les copropriétaires peuvent décider, à la majorité défi nie à l’article 25, de déroger à l’article 18 et, le cas échéant, de définir avec le syndic, dans le cadre de son contrat, les missions du syndic, les honoraires de celui-ci, la durée du mandat, les modalités de fonctionnement du compte bancaire unique ou séparé et les modalités de perception des fonds(1).

Dans une telle situation, il est ainsi possible de prévoir dans le règlement de copropriété des missions particulières du syndic, voire de s’écarter du contrat type et d’aller au-delà de la durée maximale de trois ans du mandat, alors même que de telles stipulations seraient réputées non écrites dans le cadre d’une copropriété classique. On constate ici une immixtion du consumérisme au sein de la loi du 10 juillet 1965, tendant à mettre inexorablement fin au principe d’unicité du régime du droit de la copropriété. Les pouvoirs publics ont ainsi mis en place un dispositif protecteur des copropriétaires lorsque ceux-ci sont des particuliers mais permettent à des professionnels de s’en affranchir, dès lors qu’il n’existe aucun lot d’habitation et que les copropriétaires sont tous des personnes morales.

Mais en dehors de ces hypothèses relativement restreintes, le règlement de copropriété ne peut s’affranchir des dispositions de la loi du 10 juillet 1965. Est ainsi prohibée toute modification des règles de majorité qui aurait pour conséquence de faire adopter une résolution à des conditions différentes de celles fixées par les textes (désignation des conseillers syndicaux à la majorité de l’article 24 par exemple). De même, les obligations du syndic, telles qu’elles sont notamment définies au sein de l’article 18, ne peuvent être adaptées ni modifiées. On ne saurait ainsi permettre au syndic de se faire substituer dans le cadre de sa mission, sauf hypothèse d’une délégation de pouvoir spécifique, votée à la majorité de l’article 25. Une interdiction qui vaut pour les rédacteurs de règlements de copropriété mais également pour les copropriétaires eux-mêmes qui ne peuvent, en assemblée générale, voter une résolution qui serait contraire aux dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965, telle une restriction aux droits des copropriétaires de disposer librement de leurs lots ou encore qui imposerait des conditions particulières pour pouvoir être désignés au conseil syndical, en sus des celles déjà fixées par les textes (être à jour de ses charges par exemple).

Exemples de clauses réputées non écrites

Les clauses réputées non écrites du règlement de copropriété peuvent concerner différents domaines. Sans prétendre nullement à l’exhaustivité, il peut s’agir, par exemple, d’une limitation au droit de vente. A ainsi été réputée non écrite la clause stipulant que le vendeur d’un lot devait en accorder la préférence aux autres copropriétaires (2). Il en va de même pour la clause de non-concurrence insérée dans le règlement en ce qu’elle impose aux copropriétaires une restriction étrangère à la destination de l’immeuble (3).

En matière de charges, le règlement de copropriété ne saurait déroger aux règles de répartition telles qu’elles sont définies aux deux premiers alinéas de l’article 10 de la loi de 1965 et méconnaître la distinction entre les charges générales et les charges spéciales. Ainsi, la clause répartissant de manière unique l’ensemble des charges, y compris celles entraînées par les services collectifs et éléments d’équipements communs est contraire à la loi et doit être réputée non écrite (4). Toute tentative de s’écarter du critère d’utilité inhérent aux charges spéciales, et qui s’apprécie de façon objective, est sanctionnée par le juge.

À titre d’exemple, est contraire au critère d’utilité une répartition égalitaire des charges d’ascenseur entre des lots situés à des étages différents (5). D’où la nécessité de s’assurer que l’expert chargé de déterminer la grille de répartition des charges d’ascenseur applique bien un coefficient d’étage selon la localisation des locaux desservis.

Dans un autre registre, doivent être réputées non écrites les clauses qui auraient pour conséquence de priver l’assemblée générale de ses prérogatives. Tel est le cas de la stipulation autorisant le propriétaire des combles et mansardes à se clore et à rehausser la toiture, l’exécution de ces travaux devant être autorisée par l’assemblée (6). Une position que la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer à plusieurs reprises. Ainsi, « toute clause ayant pour effet de priver par avance l’assemblée générale des pouvoirs de disposition et d’administration sur les parties communes concernées qu’elle tenait des règles d’ordre public […] de la loi du 10 juillet 1965, devait être réputée non écrite » (7). De même, aucune clause d’ordre général « ne peut déroger par anticipation à l’exigence d’une autorisation spécifique de l’assemblée générale des copropriétaires préalable à tous travaux modifiant l’aspect extérieur ou affectant les parties communes d’un immeuble soumis au régime de la copropriété » (8). Mais la loi de 1965 n’est pas le seul texte susceptible de s’appliquer dans le domaine de la copropriété. Ainsi, aux termes de l’article 10 de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970, est réputée non écrite toute stipulation tendant à interdire la détention d’un animal dans un local d’habitation dans la mesure où elle concerne un animal familier, sauf dans les contrats de location saisonnière de meublés de tourisme. Cette détention est toutefois subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci. En revanche, la prohibition est licite concernant la détention d’un chien dit de première catégorie, à savoir les chiens d’attaque tels que les pit-bulls.

Application de la clause et office du juge

Le fait qu’une clause du règlement de copropriété soit contraire à la loi du 10 juillet 1965 ne la prive pas de toute efficacité. En effet, elle doit s’appliquer jusqu’à ce qu’elle soit déclarée non écrite par le juge. Une solution qui semble contre-intuitive dans la mesure où elle aboutit à ne pas respecter les textes en vigueur. Pourtant, la Cour de cassation a une position très claire sur la question, la Haute juridiction ayant jugé dans une affaire que « les clauses du règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le juge » (9). Cela signifie à contrario que si l’on ne demande pas au juge de déclarer une clause non écrite, celui-ci ne le fera pas d’office.

Dans une affaire, un règlement de copropriété précisait que le bureau de l’assemblée générale est composé de deux scrutateurs dont les fonctions sont remplies par les deux membres de l’assemblée pré-sents qui possèdent et représentent le plus grand nombre de quotes-parts. Un copropriétaire a alors contesté la régularité de l’assemblée générale au motif que cette clause, qui institue à l’avance comme scrutateurs certains copropriétaires, est réputée non écrite. Si les juges du fond lui ont donné raison, la Cour de cassation a censuré la décision au motif que ladite clause n’avait pas été antérieurement déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que la Cour d’appel n’était pas saisie d’une demande en ce sens (10). Au copropriétaire procédurier d’être vigilant : il est ainsi nécessaire de demander au juge, d’une part que la clause litigeuse soit déclarée non écrite et, d’autre part, une fois cette qualification retenue, que son application soit écartée.

Contestation d’une clause

Ainsi, toutes clauses contraires aux dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du 17 mars 1967 sont réputées non écrites. Ce régime de l’inexistence juridique ne doit pas être confondu avec celui de la nullité de sorte qu’une clause du règlement de copropriété relative à la répartition des charges ne doit pas être annulée par le juge mais réputée non écrite (11). La différence est importante dans la mesure où la nullité emporte l’anéantissement rétroactif du contrat ce qui n’est pas le cas lorsqu’une clause est réputée non écrite, les conséquences de cette qualification ne valant que pour l’avenir (12). De même, une action en vue de faire constater le caractère non-écrit d’une clause n’est pas encadrée par un délai de prescription, l’action pouvant être intentée à tout moment par tout copropriétaire (13). La question s’est toutefois posée de savoir si, à l’occasion d’un litige individuel, il était possible de contester la validité d’une clause du règlement de copropriété.

Dans une affaire, opposant deux copropriétaires, il avait été demandé de déclarer non écrite la clause du règlement permettant à tout copropriétaire de modifier les parties communes sans autorisation préalable de l’assemblée générale. Une telle qualification ne fait aucun doute dans la mesure où la stipulation litigieuse tend à priver l’assemblée générale de l’une de ses prérogatives définie à l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Montpellier a rejeté la demande estimant que celle-ci était prescrite car non introduite avant l’expiration de la prescription trentenaire. La Cour de cassation va censurer la décision ainsi rendue, l’action en constatation d’une clause non écrite étant imprescriptible. Toutefois, elle va y substituer un motif de pur droit et rejeter le pourvoi. En effet, selon la Haute Juridiction, « l’action tendant à voir prononcer le caractère non-écrit d’une clause d’un règlement de copropriété n’est recevable que si le syndicat des copropriétaires est appelé à la cause ou entendu » (14). Autrement dit, les copropriétaires qui souhaitent contester une clause du règlement de copropriété doivent impérativement assigner le syndicat, représenté par le syndic.

Conclusion

Le rôle du syndic est loin d’être aisé en ce domaine. S’il est astreint à un devoir de conseil en tant que professionnel, il est également tenu de respecter les dispositions du règlement de copropriété tant qu’elles n’ont pas été écartées par le juge. Or, dans des copropriétés anciennes avec des règlements qui n’ont pas été mis à jour, il ne fait aucun doute que nombre de clauses ne doivent plus être d’actualité, telles celles prévoyant un délai de convocation à l’assemblée générale de quinze jours en lieu et place du délai actuel de vingt et un jours.

Bien téméraire serait le syndic qui continuerait alors d’appliquer l’ancien délai de convocation, quand bien même la clause du règlement de copropriété n’aurait pas été contestée judiciairement. Il en résulte une situation assez particulière où la loi du 10 juillet 1965 est appliquée indépendamment des dispositions du règlement de copropriété, jusqu’à ce qu’un copropriétaire, de bonne ou de mauvaise foi, s’en émeuve et intente une action, généralement pour appuyer une demande d’annulation d’une résolution de l’assemblée générale. Aux parties de veiller alors à ce qu’il soit bien demandé que la clause soit déclarée non écrite, faute de quoi la procédure risquerait fortement de ne pas aboutir.

C’est pourquoi il peut être intéressant, surtout d’un point de vue pédagogique, de mettre à jour les règlements de copropriété afin qu’ils soient désormais en conformité avec l’évolution des textes. Une telle modification, qui ne peut toutefois porter sur la grille de répartition des charges, est votée à la majorité de l’article 24, ce qui facilite grandement le travail de toilettage (15).

De même, on peut s’interroger sur la nécessité de reprendre au sein du règlement de copropriété les dispositions législatives en vigueur dans la mesure où elles évolueront inexorablement. Un document bref et précis, se focalisant sur la définition des parties privatives et communes, la destination de l’immeuble et les modalités de répartition des charges, est à préférer à ces règlements trop longs dont la reproduction en leur sein des textes en vigueur n’apporte que peu d’intérêt pratique.

  1. Art. 18-1 AA Loi du 10 juillet 1965.
  2. Cass. 3ème civ., 29 mai 1979.
  3. Cass. 3ème civ., 11 mars 1971.
  4. CA Versailles, 22 mars 2004.
  5. Cass. 3ème civ. 9 mai 2019, n° 18-17.334.
  6. Cass. 3ème civ., 9 février 1982.
  7. Cass. 3ème civ., 11 février 2009, n° 07-21.318.
  8. Cass. 3ème civ., 2 février 1999, n° 97-15.870.
  9. Cass. 3ème civ., 21 juin 2006, n° 05-13.607.
  10. Cass. 3ème civ., 22 juin 2022, n° 21-16.872.
  11. Cass. 3ème civ., 25 janvier 2024, n° 22-22.036.
  12. Cass. 3ème civ., 10 juillet 2013, n° 12-14.569.
  13. Cass. 3ème civ., 28 janvier 2016, n° 14-26.921.
  14. Civ. 3e, 10 octobre 2024, n° 22-22.649.
  15. Art. 24 II f Loi du 10 juillet 1965.

Crédit photo : ©a muh sakaria  - stock.adobe.com