Le 25 septembre 2014, le tribunal d’instance de Soissons (Aisne) a condamné la Lyonnaise des Eaux, filiale de Suez-Environnement,  à verser 5680 € de dommages et intérêts à une mère de famille pour lui avoir illégalement coupé l’eau pendant un mois et demi.

Pour statuer, le juge s’est appuyé sur une loi récente, la loi Brottes du 15 avril 2013 - dont le décret d’application est paru en février 2014 - venue modifier l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles et qui interdit aux fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz d’interrompre la fourniture de leur service dans une résidence principale, pour non-paiement des factures, du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante. Ces dispositions s’appliquant aux distributeurs d’eau tout au long de l’année.

Pas de coupure pour les clients de bonne foi

Le juge rappelle ainsi que le « client d’un distributeur d’eau, qui est de bonne foi, mais qui, compte tenu de l’existence d’une situation financière très obérée, est en retard dans le règlement de ses factures, a, en vertu de son droit fondamental à l’eau, le droit d’obtenir une aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau dans sa résidence principale, ou, à défaut, le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès de son fournisseur, qui ne peut pas interrompre la fourniture d’eau si cet usager respecte les modalités de paiement de celle-ci qui ont été convenues entre les parties. » Et de préciser, à toutes fins utiles que « cette interprétation du texte légal ne saurait cependant pas être étendue au client de mauvaise foi, dont les ressources financières suffisantes lui permettraient d’honorer sans difficulté le paiement intégral des factures… » Ce jugement – c’est une première – vient donc rappeler aux distributeurs d’eau qu’il leur est interdit de couper l’alimentation en eau dans une résidence principale en cas d’impayés, sauf lorsque la mauvaise foi du client a pu être établie. Ce qui n’était pas le cas, en l’espèce.

Echéancier respecté, eau toujours coupée

Mère divorcée avec deux enfants de 6 et 16 ans à charge et engagée dans un plan de surendettement, la plaignante devait 646 € à son fournisseur qui lui a coupé l’eau le 28 juillet 2014. Les deux parties ont convenu d’un échéancier, que la mère de famille a respecté, en août, et en septembre, mais la fourniture d’eau n’a pas été rétablie. Il a fallu attendre le 15 septembre, jour où elle a assigné son distributeur d’eau en justice, avec deux associations – la Fondation France Libertés et la Coordination eau Ile-de-France - à ses côtés, pour que celui-ci rouvre le branchement d’eau.

« La Lyonnaise des Eaux n’allègue ni ne prouve aucun élément qui serait susceptible d’établir sa mauvaise foi concernant sa réelle volonté de s’acquitter du règlement de ses factures », a estimé le juge. Et bien que l’eau ait été rétablie en septembre, il a considéré que la mère de famille avait subi un préjudice moral et matériel du fait de cette coupure d’eau « illégalement mise en œuvre » et ainsi condamné la Lyonnaise des eaux à lui verser des dommages et intérêts à ce titre.

Un jugement qui fait date

La CLCV partage et soutient l’interprétation faite par le juge de cet article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles qui garantit le droit fondamental à l’eau à toute personne de bonne foi. Une réécriture de ce texte, comme certains en font la demande, est parfaitement injustifiée.