Une carence de l’État en matière de santé et d’environnement

Il y a 10 ans, le scandale du Dieselgate éclatait, mettant en lumière une pratique délétère : de nombreux véhicules diesel étaient équipés de dispositifs d’invalidation prohibés, qui permettaient aux constructeurs de réussir les tests d’homologation des véhicules en laboratoire. En réalité, une partie de l’industrie automobile mettait sur le marché des véhicules bien plus polluants que les normes autorisées en conditions réelles de circulation sur la route.

Plusieurs millions de voitures diesel de ce type, vendues entre 2009 et 2019, continuent de circuler en France, émettant des niveaux de dioxyde d’azote entre 2 et 10 fois supérieurs aux normes en vigueur. Malgré les preuves obtenues par une commission d’enquête en 2016 et les obligations légales découlant du droit européen depuis 2020, l’État n’a ni engagé les procédures nécessaires, ni sanctionné les constructeurs automobiles pour faire cesser ces pratiques.

Cette inertie constitue une carence fautive, en contradiction avec l’obligation constitutionnelle de garantir à chacun et chacune le droit de vivre dans un environnement sain.

16 000 décès et 101 milliards d’euros de coûts entre 2009 et 2024 

Selon une récente étude du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), ces émissions illégales ont déjà causé 16 000 décès prématurés en France entre 2009 et 2024, et coûté 101 milliards d'euros. Les personnes les plus vulnérables (enfants, personnes âgées, personnes précaires...), sont davantage impactées, tandis que les constructeurs automobiles ont bénéficié d’une relative impunité.

D’ici à 2040, l’État pourrait prévenir 8 000 décès supplémentaires et 8 000 cas d’asthme infantile s’il imposait aux constructeurs automobiles de mettre en conformité les véhicules concernés.

La justice saisie

Face à cette situation, la CLCV, FNE et ClientEarth demandent au Tribunal administratif de Paris de reconnaître la responsabilité de l’État et d’ordonner des mesures suffisantes à mettre en place sous 6 mois, sous peine d’une astreinte de 50 millions d’euros par semestre en cas d’inaction persistante. Les associations espèrent des contrôles renforcés sur les véhicules suspects, le retrait des véhicules non conformes, et des sanctions à l’encontre des constructeurs. Cette action rappelle que l’État a pour obligation de protéger la santé des personnes ainsi que les automobilistes floués, et non de ménager l’industrie en faute.

En exemple, peu après les révélations du Dieselgate en 2015, le gouvernement des États-Unis avait contraint les constructeurs à dédommager les consommateurs et à abonder un fonds en faveur de mobilités plus durables, à hauteur de plusieurs milliards de dollars.

« L'inaction de l'État face au Dieselgate se chiffre en milliers de morts, en souffrances incalculables et en milliards d'euros de coûts pour la collectivité. Il est temps que la France mette enfin les constructeurs automobiles devant leurs responsabilités et exige la mise en conformité des véhicules aux émissions illégales meurtrières”, soutient Anne Lassman-Trappier, Référente qualité de l’air à FNE.

D’après Gautier Rolland, conseiller juridique à ClientEarth : « Cela fait plusieurs années que nous avons engagé des discussions avec le gouvernement, mais ces démarches sont restées vaines. Nous nous tournons désormais vers le Tribunal administratif de Paris pour que justice soit faite. Quel que soit le gouvernement en place, le moment d’agir, c’est maintenant. »

Jean-Yves Mano, président de CLCV ajoute : « Ce scandale environnemental et consumériste de la fraude aux émissions n’a que trop duré. Le gouvernement dispose de tous les moyens pour agir. Il sera en faute s’il ne le fait pas. »

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