Dans cette affaire, un règlement de copropriété imposait à un copropriétaire la mise à disposition, à titre gratuit, de ses lots. L’espèce était particulière, les lots en question appartenant au promoteur dans le cadre d’une résidence-services. L’exploitant initial ayant cessé toute activité, son remplaçant, a priori non informé de la situation, a alors découvert cette obligation qui lui était imposée (à noter que les lots en question servaient de locaux techniques pour l’immeuble). L’intéressé a contesté la situation et a porté l’affaire devant les tribunaux.
À ce titre, il invoque l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 selon lequel chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il en use et jouit librement ainsi que des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble. Selon le copropriétaire, ces dispositions légales d'ordre public excluent qu'un copropriétaire puisse être obligé, sur le fondement du règlement de copropriété, de laisser ses parties privatives occupées par un tiers, a fortiori gratuitement et indéfiniment.
Sur le principe, une telle argumentation s‘entend. La clause du règlement peut effectivement être considérée comme contraire au droit de propriété et à la possibilité pour un copropriétaire d’user librement de ses parties privatives. D’ailleurs, l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 précise que les clauses contraires aux dispositions dudit article 9 sont réputées non écrites. Or, la question qui se pose est celle de l’application ou non d’une telle stipulation. Pour la Cour de cassation, les clauses du règlement de copropriété doivent s’appliquer tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le juge. La réponse est donc limpide et, surtout, s’inscrit dans une jurisprudence constante en ce domaine.
Ainsi, dans une autre affaire, un règlement de copropriété prévoyait que le bureau de l’assemblée générale était composé de deux scrutateurs dont les fonctions étaient assurées par les deux membres de l'assemblée présents qui possèdent et représentent le plus grand nombre de quotes-parts. Une telle clause est par essence contraire aux dispositions légales en ce qu’elle contrevient à la liberté de choix des scrutateurs en privant l’assemblée générale de ses prérogatives tout en rajoutant aux textes une condition qui n’existe pas. Et la Cour de cassation d’indiquer que cette clause devait effectivement s‘appliquer et que son annulation n’est possible que si la partie qui en soulève l’illégalité demande également à ce qu’elle soit déclarée non écrite (Cass. 3ème civ., 22 juin 2022, n° 21-16.872). Ce que tous les avocats ne songent pas forcément à faire… La présente décision de la Cour de cassation s‘inscrit donc dans celles rendues précédemment. On peut toutefois regretter une telle approche.
En effet, quel est l’intérêt de qualifier une clause de non écrite si une telle qualification n’entraîne pas de conséquences particulières ? D’aucuns diront que des incidences procédurales existent puisque les actions en contestation d’une telle clause sont imprescriptibles. Or, cela est insuffisant. Prévoir l’application d’office de toutes les dispositions, y compris, donc, celles issues de règlements de copropriété anciens ne peut qu’entraîner des confusions et être source de litiges, tout en incitant à judiciariser un domaine qui n’en a pourtant pas besoin. Le syndic ayant l’obligation d’appliquer toutes les dispositions du règlement de copropriété, il ne peut donc en écarter certaines au motif qu’elles seraient contraires à la loi. Y compris si le règlement fixe, pour certaines résolutions par exemple, des conditions de majorité devenues obsolètes et qui ne sont plus celles définies par les textes. Mais cela peut également concerner, par exemple, les clauses permettant de coopter un membre du conseil syndical en cours de mandat sans vote préalable de l’assemblée générale ou, dans un autre registre, qui interdisent la détention d’un animal familier. D’où l’intérêt de procéder à la mise à jour du règlement de copropriété afin de l’adapter aux différentes réformes législatives qui ont pu exister depuis son établissement.
De même, la Cour de cassation a estimé qu’il était possible pour l’assemblée générale de reconnaître le caractère non-écrit d’une clause du règlement de copropriété (Cass. 3ème civ., 10 sept. 2020, n° 19-17.045). Une façon également plus simple de procéder à un toilettage, la limite étant toutefois de ne pas revoir la grille de répartition des charges, cette dernière ne pouvant être modifiée que sous certaines conditions (unanimité du syndic ou recours à un juge).
Cour de cassation., 3ème chambre civile., 6 juillet 2023, n° 22-18.697.
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