Les stratégies de greenwashing

Selon une récente enquête de la Commission européenne, 62% des consommateurs considèrent qu’il est « assez ou très important » de prendre en considération l’impact environnemental lorsque l’on choisit une compagnie aérienne. Bien qu’il contribue significativement aux émissions de gaz à effet de serre, le secteur du transport aérien a bien noté cette prise de conscience et a fait évoluer sa stratégie marketing, afin de “verdir” son image auprès des consommateurs.

L’analyse menée par le BEUC et ses membres, publiée ce jour, met en lumière une multitude d’allégations trompeuses utilisées par les compagnies aériennes à destination des consommateurs, parmi lesquelles :

  • Sous-entendre que le transport aérien peut être "durable", "écoresponsable" et "vert". Aucune des stratégies déployées par le secteur de l'aviation n'est actuellement en mesure de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Il est essentiel de mettre fin à ces allégations, car si le trafic aérien poursuit son expansion, les émissions continueront d'augmenter dans les années à venir.
  • Inciter à payer un supplément au moment de l’achat du billet d’avion pour « compenser » les émissions de CO2 d’un vol, quand bien même les avantages climatiques de ces compensations sont très critiqués, alors que les dommages causés par les émissions de CO2 des trajets aériens sont indiscutables ;
  • Inciter à payer un supplément significatif pour contribuer au développement de « carburants d’aviation durables ». Ces derniers ne sont pas prêts à être commercialisés et la législation européenne récemment adoptée fixe des objectifs très bas quant à la part qu'ils devraient représenter dans le mélange de carburants des avions. Cela signifie que jusqu'à ce qu’ils soient massivement disponibles – au plus tôt, à la fin des années 2030 - ils ne représenteront au mieux qu'une part mineure dans les réservoirs des avions.  Air France – KLM a recours à cette pratique et propose aux consommateurs de souscrire des options onéreuses, pour supposément couvrir leur propre impact carbone, sur de futurs vols à horizon inconnu. Sur un vol Paris-New-York, un consommateur devra débourser la coquette somme de 623,30 euros, en plus de son billet, pour contribuer à cette prétendue future réduction de CO2[3].

Le président de la CLCV Jean Yves Mano rappelle que « les mauvaises allégations vertes envahissent désormais l'univers commercial et, le secteur aérien représente un cas d'école. Ces allégations doivent cesser pour la protection des consommateurs et les pouvoirs publics doivent donc agir avec fermeté ».

« Alors qu’il n’est plus à démontrer que le transport aérien contribue de manière significative et croissante aux émissions de gaz à effet de serre, il est inadmissible que les compagnies aériennes puissent se targuer d’œuvrer pour le climat » a commenté Marie-Amandine Stévenin, Présidente de l’UFC-Que Choisir.

Lancement d’une alerte externe européenne

Aux côtés de la CLCV et l’UFC-Que Choisir, pour la France, et des autres associations participantes qui saisissent leurs autorités nationales de protection des consommateurs (DGCCRF pour la France), le BEUC dépose une plainte auprès de la Commission européenne via le mécanisme d’alerte externe, pour pratiques commerciales trompeuses[4].

Cette action européenne entend :

  • Que soit lancée une enquête à l’échelle européenne sur les pratiques de ces compagnies aériennes, et du secteur dans son ensemble ;
  • Qu’une décision contraignante et commune soit prise par les autorités de protection de consommateurs concernées, notamment : 
    • Pour interdire l’utilisation de toute allégation visant à faire croire aux consommateurs que prendre l’avion est une pratique respectueuse de l’environnement. 
    • Pour exiger que les compagnies remboursent les consommateurs ayant été incités par ces allégations trompeuses, à souscrire des options supplémentaires, pour limiter leur impact environnemental. 


[1] Test Achats/Test Aankoop (Belgique); Асоциация Активни потребители (Bulgarie); Forbrugerrådet Tænk (Danemark); ASUFIN, CECU and OCU (Espagne), Kuluttajaliitto – Konsumentförbundet ry (Finlande); UFC-Que Choisir et CLCV (France), EKPIZO (Grèce); Tudatos Vásárlók Egyesülete (Hongrie); Altroconsumo (Italie); Forbrukerrådet (Norvège); (Fundacja Konsumentów and Federacja Konsumentów (Pologne), DECO (Portugal), Spoločnosti ochrany spotrebiteľov (Slovaquie), Zveza potrošnikov Slovenije (Slovénie), Sveriges Konsumenter (Suède). VZBV (Allemagne) a également mis en demeure plusieurs compagnies identifiées dans cette alerte.

[2] Par ordre alphabétique : Air Baltic, Air Dolomiti, Air France, Austrian, Brussels Airlines, Eurowings, Finnair, KLM, Lufthansa, Norwegian, Ryanair, SAS, SWISS, TAP, Volotea, Vueling, Wizz Air

[3] Simulation réalisée sur le site Airfrance.fr le 20 juin 2023 pour un Aller/Retour Paris-New-York (Aller le 29 juin/ Retour le 13 juillet, prix : 1133 euros)

[4] Sur la base de la directive pratiques commerciales déloyales (2005/29/EC)


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