Outre le fait qu'il est irréaliste de penser supprimer le téléchargement illicite sans imposer au préalable les conditions nécessaires au développement d'une offre légale de qualité, le dispositif de riposte graduée prévu par ce texte fait peser des risques certains sur les internautes, qu'ils téléchargent ou non:

  • Les techniques utilisées à l'heure actuelle pour identifier les adresses IP des " pirates " sont loin d'être infaillibles, et utilisées à grande échelle, comportent de larges risques d'erreurs ; or il est impossible pour l'internaute de faire valoir ses droits et de se défendre dans les deux premières phases du dispositif de riposte graduée; il sera donc considéré comme coupable et à ce titre fiché sans pouvoir faire valoir son innocence avant la phase de sanction, dans le cadre d'une procédure contradictoire dont les conditions restent d'ailleurs à définir;
  • Tout internaute, s'il n'a pas fait le nécessaire pour sécuriser son accès internet suivant les règles de l'art, sera présumé coupable, à moins de pouvoir prouver que son accès internet a été utilisé frauduleusement, ce qui est impossible pour la très grande majorité des consommateurs : l'objectif est donc de transformer des millions d'internautes en spécialistes de la sécurité informatique ; à défaut, ils paieront pour les agissements de ceux qui maîtrisent la technique ;
  • La coupure de l'accès internet d'une famille, pour plusieurs mois voire un an, sans contrôle du juge, est une sanction disproportionnée, ainsi que le Parlement européen l'a déjà souligné à deux reprises.
  • La mise en place de ce dispositif à grande échelle risque fort d'avoir un impact non négligeable sur le coût de l'accès à internet pour les consommateurs ; les FAI répercuteront en effet sur leurs clients finaux le coût des nouvelles obligations qui leur seront imposées.

La CLCV regrette que malgré toutes les réserves et préoccupations exprimées sur ce texte par de nombreux acteurs de la société  civile et par les parlementaires européens, le gouvernement français préfère envisager le passage en force pour une solution dont le succès est loin d'être assuré, et qui est porteuse de risques forts pour les droits des consommateurs et plus largement des citoyens.

Le choix de l'examen en urgence de ce texte montre s'il en était encore besoin à quel point les pouvoirs publics souhaitent éviter un débat de fond sur ce sujet qui touche certes les industries culturelles, mais également l'ensemble des citoyens.

La CLCV appelle les députés à venir à la rescousse des citoyens et à ne pas voter le dispositif de riposte graduée, qui ne peut être, en fonction des moyens qui lui seront accordés, qu'au mieux inefficace et au pire liberticide.