Paris, le 25 juin 2020

Monsieur le Premier Ministre, 

La crise sanitaire en cours a montré l’importance de notre service public local de gestion des déchets à la fois dans ses missions de salubrité publique mais aussi comme pilier d’une économie circulaire qui répond à la fois aux enjeux environnementaux mais aussi d’indépendance économique et industrielle, que notre pays se doit de reconquérir.

Cette politique nationale de gestion des déchets et d’économie circulaire est fondée en particulier sur le principe de responsabilité élargie des producteurs. Ce principe a permis l’émergence de stratégies, certes perfectibles, d’éco-conception, de consommation responsable, de mobilisation citoyenne en matière de tri et de filières de recyclage. La Cour des comptes s’est régulièrement fait l’écho des marges de progression en la matière.

Ces dispositifs de responsabilité élargie des producteurs qui concernent aujourd’hui de nombreux produits du quotidien (emballages et graphiques, équipements électriques et électroniques, meubles, déchets dangereux des ménages…) et bientôt de nouveaux produits suite à la loi économie circulaire (jouets, mégots,…) se sont construits au cours des dernières décennies, et malgré les divergences d’intérêts, grâce à la richesse de la concertation entre les représentants de l’Etat, des metteurs sur le marché, des collectivités locales compétentes en matière de gestion des déchets, des opérateurs de la gestion des déchets, des associations de consommateurs ou encore des associations de protection de l’environnement.

Ce dialogue permanent et certaines fois tendu, au regard des intérêts potentiellement divergents entre les acteurs représentatifs, permet à l’État d’arbitrer ses décisions en bénéficiant de la représentativité, de l’expertise, et du dynamisme des structures.

C’est pourquoi, nous vous alertons collectivement sur le projet de réforme de la commission nationale de concertation des filières de responsabilité élargie des producteurs qui entend écarter, sans raison, dans les prochaines semaines, nos structures nationales qui y siégeaient et même réduire la représentation des consommateurs contribuables citoyens qui sont les premiers contributeurs, bien que souvent écartés des centres de décision.

Alors que toutes nos structures ont comme point commun de s’être vivement opposées au projet de consigne pour recyclage des bouteilles en plastique, mesure envisagée dans le projet de loi sur l’économie circulaire et soutenue activement à l’échelle européenne par les industriels de la boisson et de l’agro-alimentaire, nous nous interrogeons sur les causes réelles de cette éviction. 

L’expression des ONG indépendantes est indispensable à la prise de décision publique. De plus, nous avons étayé notre analyse en indiquant que cette consigne n’était pas une réponse crédible à la prolifération de la pollution plastique, qu’elle risquait au contraire de réhabiliter les boissons en bouteille plastique au détriment de l’eau du robinet, et qu’elle fragilisait le service public des déchets et le geste de tri citoyen… Analyse qui a finalement été entendue par votre gouvernement qui a reporté, à juste titre, toute décision de déploiement de cette forme de consigne pour recyclage des bouteilles plastiques. 

Durant toute la crise sanitaire et encore lors de l’allocution présidentielle du 14 juin dernier, le Président de la République a appelé à plusieurs reprises à mobiliser toutes les forces vives et à fédérer les acteurs (y compris les corps intermédiaires) plutôt qu’à les opposer pour lutter contre l’épidémie, mais aussi pour construire le « monde d’après ». Dans cet état d’esprit, nous vous demandons solennellement d’être le garant d’une stratégie nationale d’économie circulaire concertée, co-construite et responsable. Une économie circulaire qui sera d’autant plus ambitieuse, efficace et crédible qu’elle aura laissé à chacun le droit d’y contribuer activement, légitimement, mais surtout librement et sans crainte, car l’expression de positions contradictoires argumentées est indispensable à la richesse des débats et à la solidité des décisions prises par votre gouvernement dans le souci principal de l’intérêt général. 

Vous remerciant de l’intérêt que vous accorderez à cette démarche, et comptant sur votre détermination à inclure l’ensemble des parties prenantes dans l’élaboration des décisions publiques en matière d’économie circulaire, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération. 


Gilles VINCENT
Président d’AMORCE
Vice-Président à l’Environnement de Toulon Provence Métropole
Maire de Saint Mandrier-sur-Mer

Jean Yves MANO
Président de la CLCV

Jean-Patrick MASSON
Président du Cercle National du Recyclage
Adjoint au Maire de Dijon, Conseiller délégué de Dijon Métropole

Alain BAZOT
Président de l’UFC Que Choisir

Marie-Andrée BLANC
Présidente de l’Union nationale des associations familiales

Crédit photo : ©Eveline de Bruin de Pixabay