rayon supermarchéEn France, plusieurs millions de tonnes de produits alimentaires ne sont pas consommés. Bien que parfaitement comestibles, ils ne sont tout simplement pas proposés à la vente parce qu’ils sont biscornus, déformés, fendus, trop petits, trop gros, trop foncés, trop pâles... Bref parce qu’ils sont « moches », parce que leur aspect ne correspond pas aux standards esthétiques de la grande distribution.

Depuis quelques temps, plusieurs enseignes se lancent dans la vente des « moches » : ventes de fruits et légumes biscornus ou de biscuits « moches » dans plusieurs Intermarché, ventes de camemberts et de céréales déclassés, sous la marque « Les Gueules cassées », chez Carrefour et Casino...
Ces initiatives sont largement relayées, voire encensée par les médias. Et comme le prix est attractif (30% moins cher), les consommateurs sont au rendez-vous.
Mais ces coups marketing sont aussi présentés par leurs auteurs comme de vraies solutions anti gaspi. Qu’en est-il vraiment ?

Malheureusement, en ce qui concerne les fruits et légumes, on retrouve trop souvent, lors de ces ventes, non pas des produits qui seraient allés au rebus mais des produits de catégorie II. C'est-à-dire ceux là même qui remplissent les étals des magasins discount ou des espaces premiers prix des enseignes classiques. Donc peu ou pas d’effet sur le gaspillage !

Quant aux fruits et légumes présentant des imperfections dues aux intempéries, si leur commercialisation pourrait contribuer à réduire le gaspillage, il semble difficile pour les distributeurs d’en déployer le principe à grande échelle. En effet, ils jugent trop compliqué d'organiser à l'échelle nationale ces approvisionnements, par nature exceptionnels.

Même chose en ce qui concerne les produits alimentaires transformés (biscuits, céréales, camemberts...) déclassés ou abimés. Leur mise en vente à prix réduit pourrait effectivement éviter la poubelle à plusieurs centaines de tonnes de denrées. Mais là aussi, se posent les questions des réels volumes disponibles et de l’organisation des approvisionnements.

À l’heure où les consommateurs sont en quête de projets qui ont du sens, ces initiatives ont donc bien leur place parmi les nombreuses actions de lutte contre le gaspillage et mériteraient d’être généralisées. Cependant, à elles seules, elles ne peuvent pas tout régler ! D’autant qu’on ne pourra jamais trouver des « moches », tout au long de l’année, dans tous les magasins, et en grosse quantité... À moins de les fabriquer exprès ! Ce qui pour le coup serait un véritable gâchis !