Qu’est-ce que le squat ?

Depuis 2007, avec la loi DALO, on entend par squat l’occupation illicite d’un domicile par des personnes sans droit ni titre « à l’aide de manœuvres, voies de fait ou de contrainte ». Dans ce cadre, le préfet, après constat d’un officier de police, peut faire évacuer les lieux sous un délai maximum de 48 heures. Ainsi, le propriétaire ou le locataire concerné peut récupérer son logement principal. En 2020, 127 procédures ont été enclenchées pour faire évacuer des squatteurs selon le ministère du Logement. Cette mesure s’applique durant la trêve hivernale. Même si le locataire ou le propriétaire découvre que son logement est squatté plusieurs mois après les faits, il peut être évacué par le préfet et la police si nécessaire.

Cette évacuation ne concerne que le logement principal et meublé. Les résidences secondaires, les logements non meublés, et les immeubles n’ayant pas un but d’habitation (bureaux, usines, entrepôts, immeuble en instance de démolition, etc.) ne sont pas concernés. Certaines associations se sont spécialisées, afin d’alerter l’opinion et les médias sur les logements ou immeubles vacants en zone tendue (Île-de-France, littoral atlantique, vallée du Rhône, PACA), dans l’occupation de lieux. Ces actions symboliques ont permis de transformer ces lieux en logements abordables où le foncier est rare.

 Depuis plusieurs années, les associations de propriétaires commel’UNPI fulminent, estimant que leur droit de propriété prévaut sur le droit au logement de tous, alors que les deux droit sont une valeur constitutionnelle égale. Depuis 2017, elles onttrouvé un allié de poids en la personne de Guillaume Kasbarian,député de l’Eure-et-Loir (Renaissance), qui défend sans rougi rles propositions de l’UNPI, y compris les plus absurdes. Ce député s’opposait au gel des loyers et trouvait que la haussede 3,5 % votée en juillet était déjà un trop gros effort pour les propriétaires. Le député proposait aussi un amendement dans la loi ASAP en 2020 (en pleine crise sanitaire) pour faciliter les expulsions en cas de squat ou d’impayé de loyers.

La proposition de loi Kasbarian : une loi surtout « anti-locataires »

Le 18 octobre, ce député dépose une proposition de loi avec l’aide des députés du parti Renaissance pour soi-disant « lutter contre le squat ». À grand renfort d’articles racoleurs dans certains médias, il jure défendre « le petit propriétaire », victime d’une occupation illicite. On pourrait le croire, si on ne lisait pas sa proposition de loi, adoptée en décembre par l’Assemblée nationale. Au lieu d’accélérer les procédures d’expulsion et favoriser le relogement, elle criminalise l’acte de le squatter (jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende) et il peut dans certains cas être assimilé au vol (jusqu’à 15 ans de prison). Elle concerne l’ensemble des baux (bureaux inoccupés, usines, entrepôts, logements vacants et vides). Le député estime qu’il y a squat même s’il n’y a pas de preuve d’une introduction forcée dans les lieux. 

Ces mêmes mesures concernent les locataires en situation d’impayé qui se maintiendraient dans les lieux une fois la procédure judiciaire d’expulsion terminée. Ils risqueraient jusqu’à 6 mois de prison et 7500 € d’amende. Cette proposition de loi attaque surtout les locataires confrontés à une dette locative. Au moindre mois d’impayé, le locataire risque l’expulsion immédiate. Avant ce texte, en cas de procédure d’expulsion pour impayé, le juge pouvait proposer un étalement de paiement des loyers pour que le propriétaire bailleur récupère ce qui lui est dû. Cette procédure à l’amiable permettait à chacun d’être satisfait. Désormais, le locataire doit faire lui-même la demande, dans un délai restreint. Au moindre problème, le locataire est expulsé d’office.

Un texte dont personne ne veut au gouvernement

Cette proposition de loi est particulièrement cruelle pour les locataires en situation de fragilité financière, surtout avec la crise énergétique actuelle. Depuis juin 2022, le nombre d’impayés a bondi de 10 % (tant dans le logement social que privé). Avec l’inflation, les ménages doivent choisir entre se nourrir, se loger, et se chauffer. 

Ce texte est ignoble au point que même le gouvernement exprime son embarras. Durant les débats à l’Assemblée nationale, les ministres de la Justice, de la Transition écologique, et du Logement ont marqué leur opposition à certaines dispositions concernant le squat et les locataires. Les ministres du Logement des dix dernières années s’y opposent, estimant le texte comme « inutile, dangereux, et contre-productif ». Les bailleurs sociaux s’y opposent. On peut donc se demander qui le député Kasbarian et ses collègues défendent avec ce texte. La CLCV se mobilise avec le mouvement HLM et les associations contre un texte dangereux, antisocial, et qui ne résout rien pour les locataires et les propriétaires.

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