Destinée à régler les litiges de masse, l’action de groupe a vu le jour en France en 2014 sous la pression des associations de consommateurs, particulièrement de celle de la CLCV. Une victoire pour les consommateurs, même si son utilisation et sa mise en œuvre montrent qu’il faudra la faire évoluer pour la rendre plus « praticable » et remédier aux freins qui se sont révélés au cours des procédures.

Quels sont les objectifs de l’action de groupe ?

L’action de groupe permet à une association de consommateurs agréée d’engager une procédure pour l’ensemble des consommateurs victimes d’une même pratique d’un professionnel aux fins d’obtenir la réparation du préjudice qu’ils ont subi.

Comment fonctionne-t-elle ?

Saisi par l’association, le tribunal se prononce dans un premier temps sur la responsabilité du professionnel. S’il considère que les manquements constatés ont causé un préjudice, il détermine le groupe de consommateurs concernés (par exemple, les clients ayant souscrit tel contrat entre telle et telle date) et fixe les conditions dans lesquelles leur indemnisation doit intervenir.

Les consommateurs répondant aux critères fixés par le juge et qui ne sont donc pas parties au procès dans la première phase de la procédure, doivent alors se manifester suite aux mesures de publicités prises pour les en informer (annonce dans un journal…). La publicité de l’action de groupe n’a lieu que si la décision sur la responsabilité de l’entreprise est définitive, autrement dit si elle n’est plus susceptible de recours. S’engagent ensuite les démarches d’indemnisation.

Quelles sont ses limites ?

L’action de groupe permet uniquement d’obtenir la réparation des « préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels ». Seuls les préjudices économiques sont donc couverts, ce qui peut entraver l’introduction de certaines procédures. C’est pourquoi, la CLCV plaide pour une extension du champ de l’action aux préjudices d’une autre nature (moraux, corporels, etc.).

Lors des débats précédents la mise en place de l’action de groupe, la CLCV avait attiré l’attention sur la durée des procédures. Or, nos craintes se vérifient puisque la première action de groupe que nous avons engagée en octobre 2014, sur un produit financier, n’a toujours pas fait l’objet d’une décision sur le fond du dossier.

Comment s’étonner alors, plus de trois ans après l’introduction de la procédure, que les consommateurs s’impatientent et que peu d’actions de groupe aient été initiées : 10 actions seulement dont une ayant aboutie à une transaction…

La durée des procédures soulève une autre question, celle de la conservation des preuves, élément essentiel pour faire valoir ses droits. De nombreux consommateurs ne gardent pas tous les éléments dont ils pourraient avoir besoin lorsqu’ils devront se manifester (factures, contrats, tickets d’achat…). Même si le juge peut ordonner à tout moment de la procédure toute mesure d’instruction nécessaire à la conservation des preuves et à la production de pièces, cela sera, dans bien des cas, toujours insuffisant.

Ces problématiques nous conduisent à penser qu’il y aura de fait des consommateurs qui abandonneront pendant la procédure ou n’effectueront pas les démarches afin d’être inclus dans le groupe. Ce sera certainement le cas si le montant de l’indemnisation est faible et que les démarches entraînent beaucoup de temps et de frais (envoi de recommandés, photocopies…) pour le consommateur d’un montant supérieur à l’indemnisation.

Quel financement ?

Engager une action de groupe est un réel investissement de la part des associations, tant sur le plan humain avec la préparation des dossiers et leur suivi, que sur le plan financier. Si les textes prévoient que le juge peut leur accorder une provision pour couvrir les frais à engager dans la phase d’indemnisation, celle-ci sera certainement insuffisante et la question du financement des actions de groupe se pose.

La CLCV est prête à faire cet investissement. Elle est tout à fait légitime au regard de sa représentativité et de son expérience à porter ces actions mais notre engagement doit être pris en compte et financé. Une réflexion sur ce sujet est donc à mener.

*Par exemple une entente entre professionnels d’une même branche qui porte préjudice aux consommateurs.

Extension de l’action de groupe

L’action de groupe a été étendue en 2016 au domaine de la santé. La loi de modernisation de la justice de novembre 2016 a créé un cadre commun aux actions de groupe en matière judiciaire et administrative ainsi qu’une action de groupe en matière d’environnement, de discriminations et de protection des données personnelles. Ces procédures sont soumises à des modalités de mise en œuvre propres à chacune.

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