Tout d’abord, les décrets nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme n’ont toujours pas été publiés. Mais ce n’est pas le plus important.

Comme toute ordonnance, le texte doit être ratifié par le Parlement, les députés et sénateurs ayant la possibilité d’amender la copie élaborée par le Gouvernement. Or, à ce jour, compte tenu de la crise sanitaire, les parlementaires n’ont pas débattu de l’ordonnance au sein de l’Hémicycle. Nous avons donc un texte concernant un droit protégé par la Constitution, le droit de propriété, qui va s’appliquer sans que le Parlement, garant de ce droit, ne se soit finalement prononcé dessus. Le symbole est fort politiquement. La situation risque par ailleurs de se complexifier. Pour peu que députés et sénateurs adoptent des amendements et il faudra alors jongler entre différentes versions de la réforme au regard de leur date d’entrée en vigueur, ce qui pourrait être source d’erreurs sur le terrain. Compte tenu de la faible ambition de l’ordonnance, il aurait été ô combien plus sage d’en reporter l’entrée en vigueur de quelques mois, le temps pour les parlementaires de débattre d’un sujet concernant la gestion de plus de 9 millions de logements.

Enfin, cette réforme comprend deux dispositions qui vont clairement à l’encontre des intérêts des copropriétaires.

La première concerne la suppression du plafonnement des honoraires du syndic pour les actes de recouvrement. Cette mesure avait été adoptée par le Sénat dans le cadre de la loi ALUR de 2014, concomitamment au plafonnement de l’état daté, et ce afin de lutter contre les abus de certains professionnels n’hésitant pas à facturer des sommes importantes pour de simples relances ou mises en demeure.  Six ans plus tard, le décret n’a toujours pas été publié et les pouvoirs publics ont préféré supprimer purement et simplement une mesure protectrice des copropriétaires et ce dans la plus grande discrétion. En effet, le rapport au Président de la République publié en même temps que l’ordonnance de réforme n’y fait aucune allusion. Une façon pour l’Exécutif de passer outre le Parlement… Chacun appréciera la méthode.

La seconde disposition vise la possibilité pour les syndics de conclure des contrats de prestations de services avec la copropriété. Ce n’est pas un hasard si ce point a été contesté par toutes les associations de consommateurs. En effet, une telle mesure fait gravement peser le risque de voir ressurgir les errements passés lorsque les missions du syndic comprises dans ses honoraires de base n’étaient pas définies. Si, aujourd’hui, il existe un contrat type fixant de manière limitative les prestations pouvant donner lieu à une rémunération spécifique, il n’en n’a pas toujours été ainsi. Auparavant, chaque syndic avait sa propre définition de la gestion courante, ce qui pouvait être source d’abus vu qu’il pouvait être tentant de facturer à part une prestation qui, normalement, devrait constituer une des missions de base du syndic. Et pour preuve de l’important contentieux en ce domaine, ce sujet a fait l’objet, entre 1994 et 2015, de deux avis du Conseil national de la consommation, de deux recommandations de la Commission des clauses abusives, d’un arrêté et, enfin, d’un décret, lequel a définitivement réglé le problème en définissant clairement les missions du syndic. Soit six textes en à peine plus de 20 ans…

Permettre à nouveau la conclusion de contrats pour des prestations non-définies, c’est ouvrir la boîte de Pandore et rendre possible une dissociation des missions du syndic avec un risque de double facturation pour des actes relevant normalement de la gestion courante. Il est donc indispensable que des précisions soient ici apportées.

C’est pourquoi la CLCV demande :

- le rétablissement du plafonnement des honoraires du syndic pour les frais de relance, mises en demeure et autres actes de recouvrement, conformément à ce qu’avait décidé le législateur ;

- que les prestations de service pouvant être proposées par le syndic soient énumérées de façon limitative.


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