Des dizaines de revendeurs virtuels, sans contrôle des couvertures et des risques du marché : le risque de « grande casse » était élevé

La crise de l’énergie a débuté en septembre 2021 par une très forte croissance des prix du marché de gros tant pour le gaz que pour l’électricité. En France, son impact sur la facture des consommateurs a été limité grâce à l’existence d’un tarif réglementé de vente (TRV) qui, à raison, reste très populaire en France et, à partir de ces TRV, à la mise en place d’un dispositif de bouclier tarifaire. La majorité des Français ont connu une évolution assez modérée de leur facture d’énergie et sont restés dans un cadre contractuel protégé (le tarif réglementé de vente).

Mais pour 10 % du marché de détail environ, le secteur a été, nous pesons nos mots, extrêmement perturbé occasionnant des litiges très préjudiciables pour les ménages concernés. Les services publics, et consommateurs d’énergie, qui sont pour leur part non couverts par le bouclier tarifaire, ont été bien plus touchés encore. C’est un problème d’intérêt général qui aura des conséquences directes pour les ménages puisque ces services publics (eau, assainissement par exemple) devront « en second tour » accroître leurs tarifs (communiqué de la FNCCR).

Ces très fortes perturbations, dans un contexte d’explosion du prix de gros, ont trois origines cumulatives :

  • La quasi-totalité des fournisseurs ne produisent quasiment rien
  • Une partie d’entre eux étaient mal couverts dans leur approvisionnement sur le marché
  • Les services de l’État et le régulateur, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), n’ont rien fait en amont pour prévenir la crise.

Sur le premier facteur, le choix communautaire et national était d’ouvrir un marché de détail en se doutant que la plupart des nouveaux concurrents ne seraient pas en mesure de produire, si l’on considère le caractère très compétitif du parc d’EDF. L’ouverture s’est donc effectuée en accordant à ces concurrents un accès « virtuel » au parc nucléaire d’EDF. Cette solution était considérée comme transitoire par la loi Nome de 2010 qui posait comme principe que ces opérateurs virtuels devaient développer des capacités de production. Mais l’État n’a jamais cru en cette voie et les opérateurs alternatifs n’ont pas joué le jeu de l’investissement. Il s’est donc installé un marché avec un opérateur historique qui assume toute l’activité concrète et des dizaines de revendeurs virtuels. Cette situation a été critiquée par nombre d’institutions, dont la CLCV qui, avant la crise du marché de gros (document de plaidoyer de mars 2021) l’avait considérée comme malsaine sur le long terme.

Il va sans dire, et c’est le second facteur, qu’une explosion d’un prix de gros crée nécessairement un profond déséquilibre où des dizaines de revendeurs fondent leur modèle sur le nucléaire d’EDF et un approvisionnement sur ce marché de gros. Pour autant, de profondes perturbations auraient pu être évitées si ces mêmes revendeurs virtuels avaient adopté une politique prudente d’approvisionnement sur ce marché de gros.

Les principes de prudence sont assez bien connus :

  • D’une part, il convient d’acheter à l’avance la totalité ou une très large part d’énergie que l’on a prévu de fournir (un ou deux ans à l’avance). Ce précepte est quasi absolu pour l’approvisionnement à prix fixe (si on s’engage auprès de 100 000 clients à les fournir à 15 cts le kWH sur deux ans, il faut être certain de disposer de cette quantité à ce prix sur deux ans).
  • D’autre part, pour ceux qui font le choix risqué de ne pas être complètement couverts, s’ils décident de prendre un peu de risque sur le marché de gros, il faut qu’ils s’assurent de rester solvables au moins en cas de perte pour continuer de fournir leurs clients. Cet impératif de solvabilité est crucial car il permet tout simplement de garantir l’approvisionnement.

Ces derniers mois ont démontré que trop de fournisseurs virtuels ont été d’une parfaite inconséquence.

Le troisième facteur est que les services de l’État et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’ont pas voulu utiliser les outils juridiques à leur disposition pour assurer une régulation en amont du marché. Nous traitons ce point dans la partie suivante (II).

On peut largement considérer qu’en définitive l’État, la CRE et les fournisseurs ont présenté un point commun. Ils ont tous les trois fondé leur acte sur le contexte « béni » de 2015-2020 où les prix de marché étaient bas et assez stables. Ce fait était censé durer pour eux, il était donc nullement nécessaire pour les opérateurs de faire preuve de prudence et pour l’État et la CRE de contrôler cette prudence.

Tour d’horizon de la toxicité du marché de détail du gaz et de l’électricité depuis un an

À partir du moment où nombre de fournisseurs virtuels étaient mal couverts, voire peu solvables, les conséquences ont été radicales et immédiates dès le mois d’octobre 2021 :

 Un fait symptomatique : nombre de fournisseurs ont cessé de prendre de nouveaux clients

Ce fait est sans conséquence pour les consommateurs mais il est très symptomatique et très rare dans l’histoire économique. Dès la flambée du prix du marché de gros, au mois d’octobre 2021, nombre d’opérateurs (GreenYellow, Ohm, Alterna, Planète oui, etc.) ont cessé de prendre de nouveaux clients et ce jusqu’au mois d’avril 2022. Ce syndrome « le guichet est fermé » est de mémoire sans précédent dans aucun grand secteur de service. Il s’explique forcément par le fait qu’étant trop peu couverts, et vu les conditions de marché, les opérateurs perdaient de l’argent sur chaque nouveau client et ne cherchaient surtout pas à en avoir de nouveaux. Les guichets ne se sont réouverts qu’au printemps probablement parce que passé l’hiver, les consommations sont plus basses et plus prévisibles et l’engagement du professionnel est bien moins risqué.

Des augmentations sauvages de prix pour les clients hors bouclier tarifaire

Pour le public qui n’est pas au tarif réglementé de vente (ou qui a opté pour une offre privée sous bouclier tarifaire), la plupart des opérateurs ont effectué, sur leur parc de clients, plusieurs hausses soudaines et spectaculaires de prix (souvent supérieure à 20 %). Ils pouvaient le faire et les clients pouvaient changer d’offre, mais à condition que ces hausses s’effectuent dans des conditions loyales, notamment du point de vue de l’information du client.

Notre association a constaté des pratiques très contestables qui ont porté préjudice aux consommateurs. Nous avons engagé quatre actions en justice sur ce point au mois de novembre. Plusieurs autres dossiers mériteraient probablement de telles actions mais nous n’avions pas les moyens opérationnels de les effectuer dans des conditions adéquates. Nous avons notamment informé la DGCCRF (la Répression des fraudes) de ces cas.

Une indexation des tarifs sur le prix du marché de gros : faute de couverture, les fournisseurs alternatifs transfèrent le risque du marché sur le client

Un nombre réduit de fournisseurs a eu recours au procédé le plus brutal et préjudiciable qui soit. Ne pouvant assumer le risque du marché de gros, ils ont tout simplement transféré ce risque sur …leurs clients résidentiels. Ces offres auparavant indexées sur le tarif réglementé ont été remplacées par des nouveaux contrats où l’offre est indexée sur le prix du marché de gros (en moyenne mensuelle par exemple).

Notre action de groupe contre Mint Energie concerne ce procédé. À notre connaissance, un autre fournisseur (Mega Energie) a eu une pratique analogue pour l’offre de gaz. Il est possible que la pratique existe pour des abonnements collectifs (logement social, copropriétés).

Des ruptures dans des contrats à prix fixe

Certains fournisseurs avaient proposé des contrats à prix fixe souvent avantageux avant la crise. N’étant pas complètement couverts et du fait de l’explosion des prix du marché de gros, les fournisseurs perdaient de l’argent sur ces contrats.  Dans un cas, le professionnel a utilisé des procédés litigieux pour persuader le consommateur à renoncer à ce contrat à prix fixe. Nous avons ainsi engagé au mois de mars une action de groupe contre Cdiscount/GreenYellow  sur ce cas de figure dans le gaz.

Il s’agit du seul cas identifié de remis en cause de contrat à prix fixe pour des abonnements individuels. Mais ces pratiques ont aussi concerné les abonnements collectifs pour des particuliers. Avec une brutalité assez inouïe (car il s’agit d’un public de locataires sociaux !), la société E-PANGO a ainsi rompu unilatéralement, fin d’année 2021, son contrat à prix fixe de gaz avec le bailleur social parisien RIVP et ce, pour le compte de 15 000 locataires.

Sur ce point, il faut noter que ces professionnels jouent beaucoup sur la peur du client de ne plus avoir de gaz au moment de la rupture. Ce fait amène le client à renoncer à son contrat avantageux et à changer de fournisseur. Avec une parfaite mauvaise foi, le premier fournisseur argue alors que l’abonné a quitté « de son plein gré » l’offre à prix fixe et qu’il n’a donc subi aucun préjudice. Il faut noter que, d’après nos informations, cette pression est possiblement survenue sur des contrats locatifs pour d’autres bailleurs sociaux.

En réalité, un client qui refuse de quitter un contrat à prix fixe ne risque pas de se voir couper le gaz dans les semaines qui suivent et ce, même si le fournisseur sort du marché ou rompt le contrat. Mais l’absence de désignation juridique de fournisseur de secours (qui existe dans l’électricité mais pas dans le gaz) crée nécessairement une incertitude renforcée par la crise ukrainienne.

Des faillites ou sorties de marché qui engendrent des difficultés ou de la conflictualité

Plusieurs acteurs sont sortis du marché tels Leclerc ou Planète Oui pour des parcs de plus de 100 000 clients ou BULB et Barry par exemple pour des parcs bien plus réduits. D’autres sont annoncés en vente (tel GreenYellow) ou ont été repris (Plüm).

La sortie d’un marché ou la reprise d’une société sont des évènements en soi assez naturels de la vie économique mais qui occasionnent tout de même ici deux types de difficultés. Premièrement, il s’avère que les clients ayant choisi ce type d’opérateur sont parfois moins avertis et mobiles que ce que pouvaient penser les pouvoirs publics et le régulateur. On a ainsi pu constater que même après plusieurs courriers et communiqués publics, nombre de clients étaient restés chez Leclerc (y compris plusieurs milliers après la date fatidique de sortie du marché). On mesure que la clientèle particulière, même celle qui a quitté les TRV, ne correspond pas au modèle éclairé et optimisateur qui a trop souvent guidé cette libéralisation.

Deuxièmement, et cela est plus problématique, les sorties de marché ont pu occasionner des rachats de portefeuille dans des conditions parfois aventureuses (à la barre du tribunal de commerce par exemple) et par des fournisseurs qui étaient en train de commettre certains actes visés ci-avant. C’est un de ces cas de figure (rachat du portefeuille Planète Oui par Mint en février) qui a occasionné selon nous le plus gros volume de litiges au premier semestre 2022. Un très grand nombre de clients « rachetés » ont tout le moins été très mécontents de la manière dont ils ont été traités lors de la reprise.

Pour finir ce bref tour d’horizon de la toxicité du marché de détail, il faut souligner que le grand amortisseur qui relativise les difficultés tient au fait que les deux tiers des ménages français sont au TRV de l’électricité et un quart encore au TRV du gaz (la disparition de ce dernier est programmée dans un an). Ces tarifs réglementés sont les premiers à bénéficier des mesures de bouclier tarifaire. Mais cette crise a aussi montré un autre atout des tarifs réglementés qui tient à leur sécurité contractuelle. Bien entendu, il arrive que des consommateurs abonnés au TRV aient un litige mais cette proportion est incomparablement plus basse que les consommateurs ayant choisi un revendeur virtuel. Concrètement, un abonné au TRV de l’électricité n’aura des hausses qu’une ou deux fois par an et le comportement de l’entreprise est strictement encadré. Le médiateur de l’énergie constate d’ailleurs un taux de litiges bien plus faible avec les opérateurs historiques de gaz et d’électricité. (La comparaison du graphique n’intègre pas 2022).

Source : Rapport annuel du médiateur de l’énergie 2021

Dans d’autres cas de figure que le TRV, comme nous venons de l’exposer, le consommateur peut à tout moment voir son tarif flamber, son contrat être remplacé par un autre plus risqué, etc. Bien entendu, et il faut le souligner, les faits dénoncés ne concernent pas tous les opérateurs virtuels (loin s’en faut). Mais à partir du moment où ce type d’incertitude s’installe, on n’est jamais sûr que tel ou tel opérateur ne va pas décider subitement de changer de politique. En termes de politique de marché, il s’agit d’une situation d’aléa moral.

À de nombreux égards, la question de la sécurité contractuelle et, au-delà, de la « tranquillité » des consommateurs est ici très dépendante du devenir des tarifs réglementés de vente.

Le cas d’Hydroption

Hydroption était un opérateur virtuel qui fournissait essentiellement les grands comptes de services publics ou d'industriels. Petite structure de traders, elle adoptait des positions risquées et agressives sur le marché de gros pour gagner des appels d'offres en étant moins disant sur le prix. Hydroption a commencé sa faillite dans les premières semaines de la crise (octobre environ) et a rompu ses contrats avec des grands comptes tels que le ministère de la Défense ou la mairie de Paris. Ces derniers se sont retrouvés sans contrat de fourniture au mois de novembre et ont dû se fournir dans des conditions très désavantageuses.

Hydroption est le cas d'école d'un fournisseur très mal couvert et très peu solvable qui a prospéré quand les prix étaient bas pour exploser en plein vol dès la flambée des cours. Heureusement, Hydroption ne fournissait pas une clientèle de particuliers qui a donc été épargnée. Pour autant, les fédérations de collectivités locales alertent sur le fait que les perturbations qui ont résulté de ce type de comportement ont beaucoup affecté la fourniture de services publics locaux (eau et assainissement par exemple) qui risquent de devoir rapidement augmenter leur prix auprès des consommateurs.


Toxicité du marché de détail : avant et pendant, les services de l’État ont regardé ailleurs

Si les discussions ont parfois été sinueuses, la CLCV a reconnu à plusieurs reprises que la mise en place du bouclier tarifaire a induit une protection du consommateur supérieure à ce que l’on peut observer dans d’autres pays européens. Et notamment, du fait de la présence des tarifs réglementés de vente, cette protection a concerné une grande majorité des consommateurs français.

Mais il ne faut pas occulter le fait qu’une fraction du marché (que l’on peut évaluer à 10 % environ) a connu un volume très intense de litiges. Surtout, en partie du fait de la situation sur le marché de gros, ces litiges ont eu un impact financier bien plus important que ce que l’on observait auparavant dans ce secteur.

Il faut enfin souligner qu’en cas de fin du bouclier tarifaire et, notamment de la fin programmée du tarif réglementé du gaz dans un an, le nombre de clients maltraités par le marché pourrait connaître une hausse très élevée. C’est dans ce contexte qu’il faut mettre en évidence et regretter la grande passivité des services de l’État.

En substance, l’État est censé intervenir d’une manière préventive par la régulation en amont. Cette régulation consiste à délivrer des autorisations aux opérateurs d’énergie. Les critères d’octroi et de renouvellement de l’autorisation permettent normalement d’imposer des règles prudentielles. Cette fonction incombe principalement à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Dans une bien moindre mesure la commission de régulation de l’énergie peut intervenir pour effectuer des alertes prudentielles car elle a accès à toutes les données. Interviennent ensuite les actions en propre de police du marché qui relèvent principalement de la Répression des fraudes (DGCCRF). La DGEC y joue aussi un rôle dans la mesure où elle peut décider ou non de retirer des autorisations sous le contrôle du juge administratif.

La régulation en amont : le très grand laxisme de l’attribution des autorisations aux fournisseurs d’énergie

La DGEC a un système d’attribution d’autorisation qui, au moins dans ce cadre juridique, permet d’effectuer une régulation en amont. Cette attribution passe par un dossier d’autorisation. En soi, ce dossier reprend les préoccupations que nous avons mentionnées. Mais il faut constater qu’en pratique il n’a pas induit de régulation prudentielle sérieuse.

Le dossier d’autorisation  (pour ce point nos extraits sont issus de cette page de la DGEC notamment l’onglet « Composition du dossier » https://www.ecologie.gouv.fr/autorisation-dachat-delectricite-reventestipule bien que le fournisseur doit fournir un plan détaillé sur 5 ans de son approvisionnement et de sa couverture.

On peut faire la critique au processus qu’en définitive il sollicite des comptes au moment de la demande, soit pour le démarrage de l’activité. Il ne semble pas réellement prévoir de suivi, ce qui est pour autant important. Par exemple, si un fournisseur triple de taille en quelques années, ce qui est arrivé sur ce marché, son plan de couverture doit être revu au regard de ce fait.

Mais quand bien même, on peut estimer que ce critère a été mis en œuvre avec une grande légèreté. Nombre des fournisseurs qui ont subi de forts dérèglements du fait d’une mauvaise couverture, sont entrés sur le marché dans les 5 années avant le début de la crise de l’énergie. On est en droit de se demander quel était « le plan prévisionnel d’approvisionnement détaillé en électricité à cinq ans » :

- soit il ne prévoyait pas une couverture complète et dans ce cas la DGEC n’aurait probablement pas dû octroyer en l’état l’autorisation.

- soit ces fournisseurs prévoyaient une couverture raisonnablement prudentielle mais dans ce cas, ce plan ne semble pas avoir été suivi en pratique, ce qui ne semble pas avoir induit de réaction de la DGEC.

C’est aussi dans ce cadre qu’il faut revenir sur le cas d’Hydroption. Ce fournisseur avait commencé en 2014 et avait rapidement engagé une procédure de sauvegarde à la suite d’une mauvaise position sur les marchés. Il parvient à se sauver et a ensuite gagné de grands contrats à partir d’un positionnement très risqué menant à une rapide faillite fin 2021. Cet extrait d’article de presse qui date de 2018 expose à quel point Hydroption a repris une politique commerciale très ambitieuse juste après être sorti de sa procédure de sauvegarde.

« Depuis janvier, l’agrégateur d’électricité verte installé à Toulon fournit 1 677 bâtiments de la Ville de Paris. Un contrat qui redonne des ambitions à la l'entreprise tout juste sortie d’une procédure de sauvegarde. » (Source : https://region-sud.latribune.fr/innovation/2018-05-09/comment-hydroption-a-redresse-la-barre-apres-un-plan-de-sauvegarde-778041.html)

 On comprend très difficilement comment Hydroption pouvait satisfaire aux exigences de « plan prévisionnel » précitées (ou alors ce cahier des charges est une coquille vide). Il est incompréhensible qu’aucune enquête, aucun retour d’expérience n’ont été effectués sur ce cas.

Enfin on peut signaler qu’il existe un cahier des charges analogue dans le gaz même si celui-ci insiste plus sur la garantie « physique d’approvisionnement » que sur l’effectivité de la couverture économique.

Par exemple, E-PANGO est une société assez analogue au cas d’Hydroption (petite structure de traders) qui s’est développée sur l’électricité puis a commencé en 2020 et 2021 à gagner des contrats de gaz auprès d’HLM ou de services publics. Les engagements pris par E-PANGO représentaient des enjeux financiers qui paraissaient démesurés au regard de la surface de l’entreprise (qui déclare 3 millions d’euros de disponibilités fin 2020)

E-PANGO avant sa chute

Source : présentation investisseurs www.e-pango.com

 



E-PANGO a rompu son principal contrat de gaz (15 000 locataires HLM) puis est sorti du marché du gaz dès la fin de l’année 2021, soit dans les trois mois qui ont suivi le début de la crise de l’énergie. Le bailleur social, bénéficiant d’un contrat à prix fixe de deux ans à un bon prix et dont une année restait à courir, a dû se retourner vers le marché dans de mauvaises conditions. Le moins que l’on puisse dire est que la DGEC ne s’est pas penchée sur les conditions de couverture et d’approvisionnement d’E-PANGO quand celui-ci a commencé à développer son activité gaz en 2021.

En l’état, on constate que la couverture et la solvabilité des opérateurs ne paraissent pas avoir été réellement prises en compte par la DGEC. Il s’agit d’ailleurs plus d’une question de pratique que d’absence de cadre. Si la procédure prévoit que la DGEC peut à tout moment retirer l’autorisation si elle constate une situation incompatible, il semble qu’après avoir accordé son quitus, la DGEC ne regarde que mollement le devenir des opérateurs.

On pourrait arguer que la crise de l’énergie était « exceptionnelle ». Le texte des procédures d’autorisation ci-dessous (ici appliqué au gaz) précise bien que la garantie vaut même en cas de circonstances exceptionnelles.

Plus globalement, la régulation prudentielle a précisément pour fonction de s’assurer que même en cas d’évènement exceptionnel le marché ne connaît pas de telles ruptures (et ce, grâce à la couverture de marché, aux ratios de solvabilité, etc.).

Lors de sa récente communication sur son rapport d’activité, le médiateur de l’énergie introduit une interrogation qui fait écho aux présents constats :

 « Les comportements observés au cours des derniers mois me semblent conduire à s’interroger sur les conditions de délivrance des autorisations de fourniture d’énergie » (le Monde du 24 mai 2022)

On peut supposer qu’en fait les structures de régulation ne pensaient pas que les prix pouvaient remonter aussi fort. On ne soulignera jamais assez à quel point la longue période de prix bas et stables (2015 – 2021) a installé un contexte où beaucoup d’acteurs pensaient qu’on ne pouvait plus connaître de prix très hauts. Il nous semble aussi que les pouvoirs publics ont été trop marqués par la volonté de promouvoir l’ouverture à la concurrence, ce qui a amené une certaine autocensure (cf. ci-après).

Il faut rappeler que la crise financière de 2008 avait mis en lumière des failles prudentielles. Le gouvernement et les instances communautaires en ont tiré les leçons par des règles s'imposant aux acteurs financiers. Entre autres, elles comprennent la réalisation de "stress test" : on simule un scenario très négatif pour jauger si cet acteur sera ou non viable.

Cette logique n'a pas du tout été appliquée au secteur de l'énergie. Il serait temps qu'elle le soit et sans tarder.

La CRE n’a pas joué son rôle de lanceur d’alerte

La CRE n’a pas réellement de fonction prudentielle « dure » pour éviter des perturbations sur le marché de détail, à l’exception du cas spécifique « des droits Arenh ». Pour autant, la CRE est la commission qui dispose d’un accès à toutes les données et qui est dévolue globalement à un rôle de vigie et de lanceur d’alerte prudentielle.

Concrètement, la CRE dispose normalement de tous les achats effectués en spot ou à terme par un opérateur. Elle connaît son portefeuille de clients, les types de contrat et les prix pratiqués par l’opérateur. Dès lors, la CRE peut assez facilement jauger si un fournisseur a un positionnement risqué susceptible de causer un problème prudentiel. Mais cette possibilité technique ne semble pas prévue dans le dispositif opérationnel.

Les textes prévoient que lors de la demande d’autorisation de fourniture, le ministre chargé de l’énergie peut saisir la CRE et que cette dernière peut intervenir dans l’instruction du dossier.

La seule délibération de la CRE que nous avons trouvée en la matière (qui traitait de BCM Energy en 2021) ne permet pas de se faire une idée sur la portée du contrôle notamment parce qu'il est largement soumis au principe de confidentialité.

Ensuite, on peut plus globalement s’interroger sur le rôle prudentiel joué par la CRE. La commission définit ses missions de la manière suivante :

« Les missions de la CRE se déclinent en deux volets. D’une part, une mission de régulation des réseaux d’électricité et d’infrastructures de gaz naturel, monopoles naturels, consistant à garantir aux utilisateurs (entreprises, collectivités territoriales, consommateurs, producteurs) un accès non discriminatoire, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement. D’autre part, une mission de régulation des marchés permettant le développement d’une concurrence libre et loyale au bénéfice du consommateur final. » (Rapport d’activité 2019, l’organisation et les missions de la CRE)

La régulation prudentielle (couverture, solvabilité) renvoie normalement assez bien à la seconde mission décrite.

Pour autant, la description des actions est objectivement faible.

« La CRE concourt au bon fonctionnement des marchés de détail et surveille la cohérence des offres, y compris de garanties de capacité, faites par les producteurs, négociants et fournisseurs, notamment vers les consommateurs finals, avec leurs contraintes économiques et techniques. La CRE peut également formuler des avis et proposer toute mesure favorisant le bon fonctionnement et la transparence du marché de détail. Dans le cadre de cette mission, elle établit un rapport annuel sur la surveillance des marchés de détail, dont la 6ème édition a été publiée en mars 2019. ». (Rapport d’activité 2019, l’organisation et les missions de la CRE)

En pratique, la CRE publie chaque année un rapport de mission de surveillance du marché de détail. Ce rapport est en fait une publication de statistiques descriptives (en soi utile, bien sûr) retraçant l’évolution des nombres de clients et des parts de marché.

Malgré des suggestions effectuées par le passé par des associations de consommateurs (comme la CLCV), elle n’aborde jamais les mauvaises pratiques du marché de détail ni les problèmes plus prudentiels de couverture ou de solvabilité.

Il faut noter, pour la première fois à notre connaissance, que la commission aborde très explicitement les questions prudentielles dans son rapport d’activité publié en juin 2022. Mais elle aborde ces questions… une fois que ces risques prudentiels ont eu lieu et qu’ils ont provoqué de la casse. Or, la fonction prudentielle d’un régulateur est d’avoir la capacité d’effectuer des alertes préalables, quitte à ce qu’elles soient nuancées. La CRE disposait bien des données de marchés par opérateur qui pouvaient permettre d’effectuer ce type d’alerte.

La CRE déploie, en revanche, une énergie bien plus importante pour toute mesure ou avis visant à promouvoir le développement de la concurrence et a un positionnement très clair « d’avocat de l’ouverture du marché ».

La difficulté ici, et nous le disons d’une manière très affirmée, est que la CRE, comme les services de l’État, ont négligé leur rôle prudentiel ou de police de marché, car ils étaient avant tout guidés par la volonté de promouvoir la concurrence.

Une police de marché de détail peu active ou peu visible depuis le début de la crise

D’emblée, rappelons qu’il existe un médiateur national de l’énergie qui effectue un travail remarquable de médiation. Par ailleurs, le médiateur est le seul acteur public à effectuer des mises en garde ou alerte sur les dérives de ce secteur, ce qui est très positif.

Pour autant, il s’agit ici de médiation. À un certain stade, il est nécessaire de disposer d’une police du marché de détail pour, quand cela est justifié, engager des actions contentieuses.

L’acteur public qui a cette compétence de police de marché est pour l’essentiel la Répression des fraudes (DGCCRF). Cette direction a mené des actions importantes dans le domaine de la rénovation énergétique ou, il y a plus longtemps, sur la commercialisation d’énergie solaire.

Concernant le marché du gaz et de l’électricité, les actions ont été globalement moins soutenues.

Le seul fait notable concernait le démarchage en porte-à-porte. Son action a mené sur deux amendes par accord transactionnel. La DGCCRF a ainsi, en 2019, sanctionné ENGIE pour démarchage abusif d’une amende de près de 900 000 euros. Elle a fait de même avec ENI en février 2020 (315 000 euros d’amende) pour non-respect du droit de rétractation des consommateurs.

Si ces sanctions ne sont pas symboliques, et que l’accord transactionnel fait partie de la vie contentieuse, il faut tout de même regretter que le ministère public n’ait pas engagé d’actions pénales (ce qui est possible pour le démarchage agressif). Ce type d’action aurait notamment permis de mettre en lumière la cascade de sous-traitants qui opèrent à ce démarchage (sachant qu’il y a un effet de système derrière ces questions).  Par ailleurs, sous toutes réserves de l’interprétation du juge, elles auraient pu entraîner des sanctions autrement plus importantes. Car en l’état, une amende de quelques centaines de milliers d’euros n’a pas de caractère dissuasif et peut laisser perdurer ce que l’on appelle « la faute lucrative ». Enfin, il faut rappeler que cette somme va à l’État mais que les consommateurs victimes ne sont nullement indemnisés de leur préjudice.

Si on vient à la crise de l’énergie et à la toxicité récente du marché de détail, le rôle de la Répression des fraudes n’est pas prudentiel ou préventif mais il est de signaler et, le cas échéant, de poursuivre les pratiques commerciales déloyales.

Nous n’avons pas connaissance d’actions en justice engagées sur ce point depuis le début de cette crise.

La CLCV a effectué plusieurs signalements à la DGCCRF ces derniers mois. Notamment, fait peu courant, le président de la CLCV a adressé à la DGCCRF, le 19 avril, un courrier circonstancié à propos de la situation des 100 000 clients de Planète Oui rachetés par Mint. Comme nous l’avons rappelé, il s’agit selon nous de la situation qui a provoqué le plus d’émois et de litiges depuis le début de la crise de l’énergie. Nous informions la DGCCRF que, concernant la pratique de Mint du mois de novembre (indexations sur le marché de gros), nous assumerions nos responsabilités en engageant une action de groupe (ce que nous avons fait). Concernant Planète Oui, la multiplicité et le profil technique des litiges relevaient plus de la Répression des fraudes et nous sollicitons, de façon assez impérieuse, qu’une enquête soit menée par la DGCCRF. Sans préjuger des actes effectués ou envisagés, nous n’avons pas reçu de réponse à ce jour.

D’une manière plus générale, la DGCCRF ne peut pas laisser seul le médiateur effectuer des alertes publiques auprès des consommateurs. Étant donné ses attributions, elle se doit aussi d’être un acteur visible de la crise de l’énergie.

La régulation du secteur se préoccupe trop peu des impacts concrets sur le marché de détail

Nous soulignons enfin, que dans leurs décisions, les acteurs publics semblent ne pas prendre en compte les conséquences en termes de police de marché

D’une manière générale, nous notons un manque d’intérêt sur cette question. Nous l’avons souligné pour la CRE (le marché de détail est le parent pauvre de cette commission) mais cela concerne autant la DGEC.

Sans y accorder une importance démesurée, on peut illustrer déjà cette idée en constatant que la DGEC propose sur son site internet une présentation du marché de détail de l’électricité.

Ce document effectivement en ligne, date du 9 juin 2021 soit justement avant la crise de l’énergie. Dès lors, le document est parfaitement obsolète et parfois de manière spectaculaire. Ici par exemple, le document mentionne comme nouveau fournisseur Leclerc …qui est sorti du marché fin 2021

Dans ce passage consacré au tarif réglementé, le document mentionne des « prix de marché qui sont actuellement plus faibles ». Depuis octobre, ces prix de marché se situent à des niveaux stratosphériques.

 

Au-delà de ce désintérêt, l’État peine à prendre en considération des enjeux parfois lourds pour le marché de détail.

Par exemple, dans le cadre de la remise en cause des contrats à prix fixe dans le gaz au cours du premier trimestre (affaire Cdiscount/GreenYellow), l’absence de fournisseur de secours créait une ambiguïté sur le devenir des abonnés si Cdiscount mettait en œuvre sa volonté exprimée de quitter le marché début avril (cf. point II, 4°). Le ministère de l’Écologie n’était pas favorable à désigner en pratique un fournisseur de secours en estimant qu’en cas de sortie du marché, l’enjeu était que les clients changent d’offre. L’État ne voulait pas créer une sorte d’appel d’air vers un fournisseur au statut particulier.

Mais il ne se rendait pas compte qu’une telle position était préjudiciable pour les consommateurs ayant souscrit l’offre à prix fixe de Cdiscount. Il a fallu lourdement insister, y compris par voie de presse, pour qu’a minima le ministère rappelle qu’en pratique on ne coupe pas le gaz pour ce type de configuration et que les abonnés de Cdiscount pouvaient donc ne pas renoncer à cette offre à prix fixe. Notons que depuis cet incident, et dans le contexte de la crise ukrainienne, la désignation d’un fournisseur pour le gaz est en cours.

Par ailleurs, sur la question de la fin du tarif règlementé du gaz, l’État continue son processus de disparition du TRV comme si la crise du secteur ne changeait pas la donne, notamment en termes de sécurité contractuelle.

Entre le 15 mai et le 15 juin, l’État adresse un courrier aux 2,8 millions de ménages encore abonnés au tarif réglementé du gaz pour leur suggérer de quitter leur contrat de tarif réglementé de vente (TRV) du gaz et de souscrire à une offre de marché. Cette disposition est issue de la loi du 8 novembre 2019 qui, suite à une décision du Conseil d’État de 2017, décidait de la disparition des TRV au 30 juin 2023.

Nous estimons que cette communication est très malvenue dans un contexte où les marchés de l’énergie sont pour le moins chahutés et où s’est installée une instabilité contractuelle très problématique sur les offres de marché. Tous les jours notre association reçoit les témoignages de personnes dont l’offre de marché, qui ne s’inscrit pas toujours dans le bouclier tarifaire, induit des hausses sauvages de tarifs et des modifications brutales de clauses. Nous regrettons que les associations de consommateurs n’aient pas été consultées par l’État pour accompagner au mieux ce courrier, issu d’une contrainte législative mais qui est parfaitement malvenu et contreproductif.

Si ce courrier était peu évitable en l’état, car issu d’une disposition législative (que nous critiquons par ailleurs), la DGEC aurait pu, par ailleurs, effectuer des messages de prudence. Faute de quoi, il a fallu que CLCV le fasse à la mi-mai.

Plus fondamentalement, le gouvernement parait maintenir son calendrier de disparition du TRV gaz dans un an.

Nous avons la conviction que les services de l’État n’ont aucune idée de ce que pourrait provoquer la sortie de 2,8 millions de foyers du TRV gaz vers un marché présentement toxique. Nous craignons qu’aucun dispositif substantiel ne soit mis en place pour a minima relativiser la casse. Les quelques annonces faites sur ce sujet (la CRE publierait « un tarif de référence » pour comparer les offres) n’ont aucune substance et montrent surtout que le service public n’a pas pris la mesure de la toxicité de ce marché.

Nos demandes

Nous suggérons à l’État de prendre des mesures rapides et importantes pour améliorer la police de marché. Nous rappelons que la toxicité du marché de détail constitue aussi un élément important d’appréciation de la pertinence ou non de l’ouverture du marché de la fourniture.

Les mesures immédiates 

  • Sanctuariser les tarifs réglementés de vente du gaz et de l’électricité

On ne soulignera jamais à quel point les tarifs réglementés de vente constituent peu ou prou un havre de paix en termes de sécurité contractuelle. La disparition ou l’amoindrissement de ces outils induirait de très fortes perturbations sur le marché de détail que l’État et le régulateur ne parviendront pas à résoudre.

Il est souvent mis en avant des textes communautaires pour envisager la suppression des TRV. Nous rappelons que la loyauté des pratiques commerciales et la protection des consommateurs sont des fondamentaux du système communautaire.

Nous demandons ainsi que le gouvernement passe une mesure législative pour a minima prolonger de deux ans l’existence du TRV gaz (le temps de la crise). Nous souhaitons une refondation de ce tarif car sa suppression par le Conseil d’État a largement mésestimé son utilité en temps de crise. Obliger 2,8 millions de ménages à quitter le tarif règlementé de vente du gaz dans un contexte de grandes perturbations constituerait, selon nous, une faute de l’État.

Nous souhaitons aussi que le gouvernement affirme clairement qu’il s’opposera aux velléités de la Commission européenne et de l’association nationale des opérateurs alternatifs (ANODE) qui souhaitent la suppression du tarif réglementé de l’électricité d’ici quelques années.

  • Mettre en place dès l’automne, d’une façon plus contraignante, des obligations de couverture de marché et de solvabilité des fournisseurs

C’est la mauvaise couverture de certains opérateurs qui est la cause première de la toxicité de ce marché depuis le début de la crise. Comme après la crise financière de 2008, il est nécessaire de mettre en place des critères prudentiels pour autoriser les fournisseurs à exercer sur le marché. Le respect de ces obligations doit aussi faire l’objet d’un suivi annuel et doit entraîner des sanctions en cas de non-respect, sanctions qui comprennent le retrait d’autorisation.

  • Envisager de retirer l’autorisation aux fournisseurs ayant fait l’objet de plusieurs condamnations en justice

Cette mesure se justifie d’une manière assez évidente. Trop d’opérateurs trompent ou harcèlent les consommateurs sans se soucier des condamnations en justice car, au final, la mauvaise pratique reste lucrative.

  • La Commission de régulation de l’énergie doit jouer son rôle de vigie prudentielle

Plutôt que de constamment vouloir accompagner le développement de l’ouverture du marché, la CRE doit s’emparer de ce qui est la fonction de régulateur. Elle doit publier chaque année (ou tous les deux ans) un rapport prudentiel (niveau de couverture et de solvabilité des opérateurs au regard de leurs engagements) et effectuer plus régulièrement des signalements à l’État.

  • La DGCCRF doit mener une politique plus active de répression des pratiques déloyales sur ce marché, notamment en période de crise de l’énergie

Évaluer la pertinence de la libéralisation aussi au regard… du marché de détail

Un paradoxe de l’ouverture du marché de détail de l’électricité et du gaz est que la Commission européenne, l’État et la CRE prennent un luxe de mesures pour favoriser cette ouverture mais sans trop se poser la question de ce qu’il en est sur le marché de détail. Il y a donc une certaine perte de vue de l’essentiel.

Nous avons déjà produit une analyse estimant qu’a minima la concurrence n’a apporté aucune pression tarifaire : les opérateurs alternatifs, n’étant pas producteurs, ne peuvent pas être compétitifs, le tarif règlementé de vente est donc augmenté artificiellement dans le seul but de créer la compétitivité de ces alternatifs.

Ce marché n’a pas apporté d’innovation particulière (de type box de FREE et abonnement téléphone, internet, télévision à 29 euros/mois, à l’époque une révolution). Le seul fait notable est « l’électricité verte » mais qui, étant obtenu à partir de « certificat papier » (les garanties d’origine), est assez factice et relève largement du greenwashing (légal mais greenwashing quand même). Pour résumer, la plupart des offres sont désormais vertes !

S’ajoute le fait que le marché était déjà difficile pour les consommateurs avant la crise, car en période de prix bas, les opérateurs effectuaient beaucoup de démarchages agressifs. En période de prix haut nous assistons à toutes les dérives exposées dans ce dossier. Nous avons donc un marché de détail d’une mauvaise qualité en termes de relation avec les consommateurs.

Nous pensons d’ailleurs que la grande fragilité de cette ouverture (laisser entrer sur le marché des opérateurs virtuels) explique pour beaucoup cette toxicité. Ne pouvant pas se différencier des uns des autres, ces opérateurs se livrent une concurrence sauvage qui, mécaniquement produit nombre de dérives. La volonté des pouvoirs publics de laisser le plus ouvert possible ce marché, par exemple en leur octroyant toujours plus de droit d’accès au nucléaire (Arenh), renforce ce « Far West permanent » et les difficultés des consommateurs.

Une nouvelle fois, ce n’est que grâce à l’existence de tarif réglementé, dont la disparition est exigée, qu’une grande casse est pour l’instant évitée.

Sous ces angles, il faut sérieusement s’interroger sur la pertinence de cette ouverture et, comme cela n’a jamais été fait,… demander l’avis aux consommateurs !


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