Si les médias et les professionnels se sont surtout focalisés sur deux mesures phare de la fameuse loi ALUR de mars 2014 - l’encadrement des loyers et la mise en place d’une garantie universelle des loyers - de nombreuses autres dispositions qui concernent les relations locataire-bailleur sont restées dans l’ombre. Parmi celles-ci, il en est une qui est passée un peu inaperçue mais qui a pourtant d’importantes conséquences : les nouvelles règles de prescription.

Loyers et charges : 3 ans pour agir et non plus 5

Jusque-là, le bailleur pouvait réclamer le paiement ou la régularisation de charges et de loyers non versés pendant 5 ans. De la même façon, le locataire avait lui aussi 5 ans pour réclamer le remboursement de loyers ou de charges indûment payés.

Cette prescription quinquennale de droit commun auparavant applicable dans le cadre des relations locataire-bailleur connaissait une exception : dans le secteur social, le délai de prescription pour le locataire était de trois ans, contre cinq pour le bailleur, créant ainsi une inégalité injustifiable. Désormais, avec la loi ALUR, la situation est harmonisée : le délai de prescription est de 3 ans pour le locataire et le bailleur. Ces derniers peuvent donc, sur cette période, réclamer le paiement des loyers et charges impayés, les locataires, le remboursement des sommes indûment versées.

Application pratique

La question se pose cependant de savoir à partir de quand cette nouvelle prescription est applicable. La réponse se trouve dans l’article 2222 du Code civil : « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

Il est fait référence à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi. La loi ALUR ayant été publiée le 26 mars 2014, elle est entrée en vigueur le 27 mars 2014. C’est cette date qui va servir de repère.

Voici, à partir de deux exemples, comment appliquer la nouvelle règle.

Imaginons une créance du bailleur (ou du locataire) née le 1er mars 2010. Selon l’ancienne prescription (5 ans), elle s’éteindrait le 1er mars 2015. La nouvelle prescription court à compter de l’entrée en vigueur de la loi, le 27 mars 2014, pendant 3 ans, donc jusqu’au 27 mars 2017. Dans ce cas, l’ancienne prescription expire avant la nouvelle, c’est donc l’ancienne (1er mars 2015) qui s’applique.

Autre hypothèse : une créance est née le 1er mars 2013. Selon l’ancienne prescription (5 ans), elle s’éteindrait le 1er mars 2018. La nouvelle prescription court à compter du 27 mars 2014 (date d’entrée en vigueur de la loi) et pendant 3 ans, donc jusqu’au 27 mars 2017. Dans ce cas, le délai de l’ancienne prescription est supérieur (de près d’un an) à la nouvelle : c’est donc la nouvelle prescription qui s’applique : cette créance sera éteinte le 27 mars 2017.

En résumé, il faut calculer les échéances de l’ancienne et de la nouvelle prescription : si l’ancienne expire avant la nouvelle, elle s’applique, si en revanche, l’ancienne expire après la date correspondant à la nouvelle prescription, c’est cette dernière qu’il faut prendre en compte.

En revanche, il n’est pas nécessaire de faire ces calculs pour les créances nées à partir du 27 mars 2014 : elles sont soumises à la prescription triennale (3 ans pour agir).

L’action en révision de loyer

Auparavant, un bailleur pouvait réclamer, sur les 5 dernières années, les augmentations de loyer qu’il avait omises, dès lors qu’une clause de révision était insérée dans le contrat. Avec la loi ALUR, cette pratique est révolue.

En effet, le législateur a mis en place, pour l’action en révision de loyer, une prescription particulière d’un an seulement. Si le propriétaire ne réclame pas les augmentations omises au-delà d’une année, elles sont perdues. De plus, si le bailleur n’augmente pas le loyer à la date prévue, mais au cours de l’année, la révision ne sera pas rétroactive mais valable uniquement à compter de cette date.

Compte tenu des règles qui ont été exposées plus haut, il est possible pour un bailleur de réclamer les augmentations de loyer omises avant l’entrée en vigueur de la loi ALUR, sur les 5 dernières années jusqu’au 27 mars 2015 : passé cette date, la prescription annuelle s’appliquera pleinement.

Sur ce point, bailleur et locataire ne sont pas logés à la même enseigne. Cette prescription annuelle vaut uniquement pour l’action en révision de loyer du bailleur. Le locataire, de son côté, bénéficie de la prescription triennale (3 ans pour agir) pour les demandes de remboursements de loyers indus. C’est le cas, par exemple, si la révision est supérieure au maximum autorisé.