Modification des modalités de jouissance d’un lot et absence de publication 

La modification des modalités de jouissance d’un lot de copropriété ne peut, en l’absence de publication, avoir été rendue opposable à son acquéreur que s’il a été expressément constaté à l’acte d’acquisition qu’il en avait eu préalablement connaissance et qu’il avait adhéré aux obligations qui en résultaient (Cass., 3ème civ., 15 décembre 2021, n° 20-23.221)

En l’espèce, une assemblée générale avait décidé qu’un emplacement serait aménagé sur un lot de copropriété afin d’y installer une poubelle collective. Un copropriétaire nouvellement acquéreur du lot en question conteste cette modification aux modalités de jouissance de ses parties privatives au motif qu’il n’en était pas informé lors de la mutation. 

Conformément à l’article 13 de la loi du 10 juillet 1965, le règlement de copropriété et les modifications qui peuvent lui être apportées ne sont opposables aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires qu’à dater de leur publication au fichier immobilier. L’acheteur d’un lot étant l’ayant cause du copropriétaire vendeur, le règlement de copropriété lui est pleinement opposable. Toutefois, les modifications concernant l’installation, sur une partie privative, d’un conteneur à ordures ménagères n’ont pas été inscrites dans le règlement, de sorte que la question de son opposabilité est ici inefficace. Il existe cependant, une exception à la nécessité de la publication. 

Ainsi, le règlement de copropriété et les actes qui l’ont modifié, même s’ils n’ont pas été publiés au fichier immobilier, s’imposent à l’acquéreur ou au titulaire du droit s’il est expressément constaté à l’acte de vente que l’acquéreur en a eu préalablement connaissance et qu’il a adhéré aux obligations qui en résultent (article 4 du décret du 17 mars 1967). Autrement dit, l’opposabilité des modificatifs au règlement de copropriété est assurée quand bien même n’auraient elles pas été publiées dès lors que l’acte de vente les mentionne expressément et qu’il en résulte une pleine acceptation du nouveau copropriétaire. Or, aucune information n’avait été portée à la connaissance de celui-ci. La Cour de cassation a donc accueilli la demande de l’acquéreur, les modifications apportées aux modalités de jouissance de son lot ne pouvant lui être opposées. 

Mise en concurrence et vote en assemblée générale 

La mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour, qu’ils soient soumis au vote de l’assemblée générale. (Cass. 3ème civ., 23 mars 2022, n° 21-12.658)

La mise en concurrence pour des contrats ou marchés peut être obligatoire lorsqu’elle est exigée par les textes (pour la désignation du syndic par exemple, avec possibilité d’en solliciter une dispense) ou par l’assemblée générale. À ce titre, l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 impose à l’assemblée d’arrêter, à la majorité de l’article 25, un montant des marchés et des contrats à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire. 

Dans cette affaire, des travaux devaient être réalisés dans la copropriété. Si plusieurs devis ont bien été annexés à la convocation de l’assemblée générale, seul celui choisi par l’architecte avait été soumis au vote. Un copropriétaire intente alors une action en annulation de la résolution au motif qu’il n’appartient pas à l’architecte de l’immeuble de se substituer à l’assemblée générale, laquelle devait se prononcer sur chacun des devis présentés. 

Les juges d’appel ont rejeté les prétentions du demandeur dans la mesure où, selon eux, les devis ont été communiqués à tous les copropriétaires lors de la convocation à l’assemblée générale, permettant ainsi à chacun de voter la résolution en toute connaissance de cause. La Cour de cassation censure l’arrêt et prononce l’annulation de la résolution litigieuse dans la mesure où une mise en concurrence ne consiste pas uniquement à présenter aux copropriétaires plusieurs devis et contrats, mais à voter sur chacun d’eux. Il est vrai que l’article 19-2 du décret du 17 mars 1967, s’il définit la notion de mise en concurrence (« demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises ») ne précise pas que l’assemblée générale doit voter sur chacune des propositions. Une indication qui semblait aller de soi et ne nécessitait pas forcément une confirmation expresse. 

De fait, il importe donc, dès lors qu’une mise en concurrence a été organisée, de voter sur chacun des devis présentés. À ce titre, l’article 19 du décret du 17 mars 1967 définit les modalités d’organisation du vote pour l’approbation d’un devis soumis à concurrence lorsqu’il existe une passerelle de majorité. Ainsi, dans cette hypothèse, l’assemblée générale ne peut procéder à un second vote « qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote ».

Conséquences de l’absence de contestation de l’assemblée générale 

L’irrégularité d’une assemblée générale pour défaut de convocation de plusieurs copropriétaires doit être intentée dans le délai de deux mois visé à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965. A défaut, elle ne peut entraîner l’annulation de l’assemblée générale postérieure. (Cass., 3ème civ., 15 décembre 2021, n° 20-17.079)

La règle est bien connue : aux termes de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée. L’instauration d’un délai de contestation est une nécessité afin d’assurer une sécurité juridique des décisions prises lors de l’assemblée générale et de permettre qu’elles soient exécutées au plus vite. Au point que l’expiration de ce délai apparaît comme un couperet rendant impossible toute contestation de quelque nature que ce soit.

 A titre d’exemple, cette décision de la Cour de cassation qui valide la résolution relative à des travaux portant sur des parties privatives dans la mesure où elle n’a pas été contestée dans le délai de deux mois (Cass. 3ème civ., 12 janvier 2022, n° 20-20.363 ). Dans cette affaire, plusieurs copropriétaires n’ont pas été convoqués à l’assemblée générale. Ce manquement était effectivement à même d’entraîner l’annulation de l’ensemble des décisions qui y ont été prises. Pour autant, aucune action en contestation n’a été intentée. En revanche, les copropriétaires vont contester l’organisation de l’assemblée générale suivante au motif qu’elle a été convoquée par un syndic incompétent, celui désigné lors de la précédente réunion. La Cour de cassation rejette les prétentions des demandeurs. En effet, la nullité de la nouvelle assemblée ne pouvait résulter que de l’annulation de la précédente. Celle-ci étant devenue définitive faute de recours dans le délai de deux mois, la nouvelle ne peut être contestée pour défaut de compétence du syndic.  

Mention de la majorité dans le procès-verbal 

Le procès-verbal qui mentionne qu’une résolution a été adoptée à la majorité des copropriétaires présents ou représentés n’a pas à mentionner le nom et les millièmes des opposants ou abstentionnistes dès lors qu’il apparaît que la résolution a obtenu l’unanimité des copropriétaires. (Cass. 3ème civ., 23 mars 2022, n° 21-13.544

Le formalisme inhérent au droit de la copropriété ne doit pas être utilisé à des fins purement dilatoires mais de façon pragmatique. Tel est en substance ce que semble nous dire la Cour de cassation dans cette décision. En l’espèce, un copropriétaire contestait le contenu du procès-verbal de l’assemblée générale au motif qu’il était précisé que les résolutions relatives à la désignation du président de séance, des scrutateurs et du secrétaire avaient été adoptées à « la majorité des copropriétaires présents et représentés ». Une telle rédaction supposait que la résolution n’avait pas été adoptée à l’unanimité, ce qui implique, de fait, l’obligation de mentionner dans le procès-verbal les noms des copropriétaires opposants ou défaillants. 

La Cour de cassation, confirmant la décision des juges d’appel, rejette le pourvoi : dès lors qu’il ressort du procès verbal que les résolutions litigieuses ont été adoptées par l’unanimité des copropriétaires, il ne pouvait mentionner les noms des opposants ou défaillants. Une décision de bon sens qui consiste à ne pas se focaliser sur les seules mentions du procès-verbal mais à apprécier au cas par cas si les irrégularités constatées peuvent affecter ou non le sens du vote. L’article 17-1 du décret du 17 mars 1967, créé par le décret n°2020-834 du 2 juillet 2020 ne dit d’ailleurs pas autre chose : « L’irrégularité formelle affectant le procès-verbal d’assemblée générale ou la feuille de présence, lorsqu›elle est relative aux conditions de vote ou à la computation des voix, n’entraîne pas nécessairement la nullité de l’assemblée générale dès lors qu’il est possible de reconstituer le sens du vote et que le résultat de celui-ci n’en est pas affecté ». 

Il importe donc peu que le procès-verbal contienne une mention erronée attrayante à la majorité obtenue par une résolution dès lors qu’il est possible de reconstruire le vote et de s’assurer que la majorité exigée par les textes a bien été acquise.

TJ : Tribunal judiciaire / CA : Cour d’appel / Cass. 1ère, 2ème ou 3ème civ. : Première, deuxième ou troisième chambre civile de la Cour de cassation

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