La CLCV partage entièrement ces propos et appelle le gouvernement à porter ce projet de réforme radicale. Nous insistons sur les points suivants :

  • À la base d’une réforme = retrouver le lien avec le public en le consultant

Cette libéralisation du secteur de l’électricité a été menée sans aucune consultation décente du public et a été acceptée sur le bout des lèvres par un gouvernement qui pensait, à tort selon nous, que l’on reproduirait dans l’électricité les succès consuméristes de la libéralisation dans d’autres secteurs (les télécoms par exemple). En partie parce que cette réforme n’a jamais été vraiment assumée, les gouvernements ne sont jamais revenus vers les citoyens. Au-delà des mesures d’urgence, il est ainsi important de consulter le public et notamment sur le choix entre les deux grandes possibilités d’organisation que sont le monopole ou la concurrence.

  • Obtenir des marges de manœuvre nationale du fait des spécificités techniques

La plus grave faille de la libéralisation du secteur est d’avoir été imposée d’une manière assez uniforme dans tous les pays d’Europe. Or, les configurations techniques de production (mix énergétique, présence d’une « rente » nucléaire ou hydraulique) ou de consommation (type de chauffage) ont des conséquences importantes sur l’applicabilité d’un mode d’organisation. Imposer un seul modèle c’est la certitude de se tromper sur plusieurs pays de l’Union ce qui, selon nous, est le cas pour la France. À l’inverse, aux États-Unis et au Canada, chaque État ou Province a été libre de développer le mode de régulation qu’il jugeait adapté.

L’exemple le plus extrême de cette rigidité tient au fait que les instances communautaires ont tenu à rendre obligatoire l’existence d’offres de tarif dynamique pour les particuliers (tarif indexé heure par heure sur le prix du marché de gros !). Si cette offre peut convenir à une poignée de pays nordiques, elle est, pour la France et beaucoup d’autres pays, hautement dangereuse pour les consommateurs, comme l’a d’ailleurs souligné Le Médiateur de l’énergie.

Nous encourageons le ministre de l’Économie Bruno Le Maire à obtenir les nombreuses marges de manœuvre ou adaptations qui sont nécessaires au bon fonctionnement du secteur en France et, par exemple, à ce que soit supprimée cette obligation d’offre de tarif dynamique pour les particuliers.

  • Revoir en urgence la formule de calcul et l’application du principe de contestabilité, cette « machine à faire flamber les tarifs »

Depuis plus de deux ans, le tarif augmente beaucoup et va flamber au mois de janvier si on ne revoit pas le mode de calcul qui revient à faire croître le prix du tarif réglementé bien plus que les coûts d’EDF car il s’agit avant toutes choses de sauver les opérateurs virtuels pour pouvoir continuer de penser que le système concurrentiel est viable.

Afin de mettre le pied à l’étrier à ces opérateurs virtuels, il leur a été très légitimement accordé, jusqu’en 2025, un droit d’accès au nucléaire d’EDF jusqu’à un plafond de 100 TWH. Cette disposition de la loi NOME fait partie de l’accord transactionnel de 2012 qui a mis fin aux poursuites par la Commission européenne, elle a donc eu l’aval explicite des instances communautaires.

Une interprétation excessive du principe de contestabilité (qui, à raison, veut qu’il faille « donner une vraie chance à la concurrence ») par la Commission de régulation de l’énergie puis le Conseil d’État a voulu que si les opérateurs virtuels ont un besoin en nucléaire supérieur à 100 TWH (soit l’accord avec l’Europe) et que ce rationnement augmente leur coût, il faut alors faire croître en conséquence… le tarif réglementé d’EDF. Ce fait explique pour une large part la hausse de 6 % en 2019 et la future hausse de janvier. Son caractère excessif a été critiqué comme tel par l’Autorité de la concurrence en mars 2019 jugeant en outre qu’elle dévoyait le principe souvent estimable de promotion de la concurrence.

Ce mécanisme de « pour sauver la concurrence on augmente les tarifs » tient encore car il s’agit d’une interprétation des textes communautaires qu’ont pu partager les services de la commission européenne. Pour la CLCV, il est temps de mettre fin à cette aberration. C’est à notre ministre de l’Économie qu’il revient de poser ce sujet sur la table de la décision politique communautaire.

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