Avec le début de la trêve hivernale, toutes les procédures d’expulsion vont être suspendues jusqu’au printemps 2017. Un sursis, trop court, pour des milliers de familles.

Quelle qu’en soit la cause, une expulsion est toujours une expérience traumatisante pour les personnes qui la subissent et un constat d’échec pour l’ensemble des acteurs (associations, travailleurs sociaux, justice) qui les accompagnent. Elle interpelle également nos sociétés qui font du logement un bien comme les autres. Il n’en est rien. Le logement est une condition essentielle pour accéder à un emploi et vivre décemment.

C’est pourquoi on ne peut que réagir face aux chiffres du ministère de la Justice qui font état d’une augmentation importante des décisions d’expulsions : + 15 % entre 2010 et 2015. Plus grave, les expulsions effectives sont passées de 10 824 en 2010 à 14 363 en 2015, soit 3 500 familles de plus à la rue.

Une certitude : ces chiffres témoignent des difficultés croissantes que rencontrent les locataires pour payer leur loyer et leurs charges. Le prix des logements en zones tendues porte certainement une part de responsabilité. Tout comme le développement d’une précarité galopante dans les territoires plus ruraux, que nous constatons tous les jours sur le terrain.

Ces chiffres confirment aussi la lenteur avec laquelle les nouveaux dispositifs de prévention issus de la loi ALUR se mettent en place. Bien des familles, lorsqu’elles rencontrent des difficultés, ne savent pas vers quels interlocuteurs se tourner. Or, tous les acteurs sont unanimes : il faut agir le plus tôt possible pour ne pas en arriver à l’expulsion.

Sur ce point, l’attitude des bailleurs sociaux nous interpelle. Si on peut comprendre que les particuliers aient du mal à s’inscrire dans une logique de prévention (pression financière, manque d’informations, procédures complexes), les organismes HLM ont, eux, les compétences et les contacts pour gérer les impayés, en maintenant le locataire dans les lieux ou en le relogeant. Or, eux-mêmes le reconnaissent : « l’activité contentieuse s’est globalement accrue depuis 2012 et particulièrement sur le début de la procédure (commandements de payer et assignations en justice) », selon une enquête de l’Union sociale pour l’habitat publiée en septembre 2016. Une politique qu’ils justifient par « la volonté de « faire réagir » le locataire ».

Ce comportement brutal ne peut être qualifié de social. Plutôt que menacer les locataires, mieux vaudrait les informer sur leurs droits et les accompagner. La CLCV rappelle son opposition à toute expulsion, surtout lorsqu’elle est le fait d’un bailleur social dont la vocation est d’accueillir et de protéger les publics fragiles. Par ailleurs, un locataire expulsé peut faire valoir son droit au logement (DALO) et ainsi être relogé en HLM, ce qui rend toute expulsion d’autant plus absurde.