Quels sont les grands défis actuels pour la défense des consommateurs en Europe ?
Ils sont nombreux ! L’un des principaux concerne l’adaptation du droit de la consommation aux défis de l’ère numérique et de l’intelligence artificielle. Cela passe par la régulation des plateformes numériques mais également par la protection des consommateurs contre les nouvelles formes de manipulation algorithmique.
Nous suivons également les services financiers de près et travaillons dur pour que les conseillers financiers agissent réellement dans l’intérêt des consommateurs. Ces derniers ont en effet besoin d’un marché juste et transparent dans lequel les décisions financières sont régies par l’intérêt de l’utilisateur et non pas par des commissions ou des incitations à la vente.
Nous veillons en outre à ce que les plateformes de vente en ligne à l’instar de Temu ou Shein ne soient pas la porte d’entrée pour les produits dangereux sur le marché européen.
Quelles sont les grandes priorités du BEUC pour l’année en cours ?
En 2025, nous nous penchons particulièrement sur la question de l’équité numérique c’est-à-dire le fait que les consommateurs soient protégés contre les diverses formes de manipulation en ligne, qu’elles touchent à l’interface utilisateur d’une page web ou leur design.
La question de la tarification dynamique, autrement dit la stratégie de fixation des prix en temps réel en fonction de différents facteurs (offre, demande, saisonnalité, etc.), est également sur notre liste.
L’eau est une nouveauté de cette année. L’idée de travailler sur le thème ne date pas d’hier et est portée par de nombreux membres. Qu’il s’agisse de l’accès personnel ou industriel à une eau de qualité, sa pollution environnementale et chimique, les problématiques sont nombreuses. La Commission européenne a d’ailleurs publié sa stratégie de résilience de l’eau (Water Resilience Strategy) le 5 juin dernier qui sera la feuille de route pour le mandat actuel.
Nous travaillons bien sûr sur d’autres thématiques de fond comme l’électrification du parc automobile, le droit des passagers aériens, les questions environnementales et énergétiques, l’intelligence artificielle, ainsi que l’alimentation ou la santé qui sont des sujets plus récurrents.
Enfin, les droits bien que couchés sur le papier représentent le premier pas vers plus de protection des consommateurs. Il est également crucial que ces droits soient appliqués en pratique, ce à quoi nous veillons quotidiennement.
Dans quels domaines constatez-vous une réelle avancée en matière de protection des consommateurs ? Et où est-ce que cela bloque ?
Nous avons observé de réelles avancées en matière de cybersécurité des produits connectés. Après un travail de longue haleine et des batteries de tests le BEUC et ses membres ont démontré à plusieurs reprises que trop de produits connectés vendus sur le marché unique européen comportaient de multiples risques de cybersécurité et étaient dépourvus des dispositifs de sécurité les plus élémentaires. L’Union européenne a depuis adopté son règlement sur la cyberrésilience qui établit des critères de sécurités aux fabricants de produits connectés.
Il en va de même pour la sécurité des jouets de nos enfants. Depuis cette année, les fabricants doivent bannir plusieurs substances à risque, cancérigènes ou perturbateurs endocriniens potentiels.
La question du droit des passagers aériens est en revanche sujette à plus d’aléas. L’Union européenne devait proposer une révision des règles il y a plus de dix ans qui n’a pas abouti. Sous l’impulsion de la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne, le dossier est revenu sur la table des négociations. Il en ressort malheureusement un abaissement critique de certains droits fondamentaux, notamment de compensation en cas de retard ou d’annulation des vols.
L’alimentation brille aussi par son absence dans les discussions politiques et nous œuvrons à ce que ces questions reviennent sur le devant de la scène en raison de leur importance pour la santé publique et l’environnement.
Comment travaillez-vous concrètement avec les associations de consommateurs dans les différents États membres ?
Le BEUC représente 45 organisations de consommateurs de 32 pays et nous travaillons en étroite collaboration avec tous nos membres pour veiller à ce que la législation européenne réponde véritablement aux besoins des citoyens. Nous nous appuyons sur la recherche et le travail de nos membres pour alimenter nos demandes, nos positions et amplifier nos messages. En termes plus concrets, chaque position est adoptée en concertation avec nos membres, chaque avis compte et il est important que tous indépendamment de leur taille aient voix au chapitre.
Quels exemples de coopération réussie pourriez-vous partager avec nous ?
Récemment, l’entreprise Coca-Cola a dû revoir l’étiquetage de ses bouteilles en utilisant des termes trompeurs « 100 % recyclable » ou « 100 % recyclé » ainsi que des visuels verts, à la suite d’une action lancée par le BEUC et quinze de ses membres en novembre 2023. Il est capital que les autorités poursuivent leurs efforts auprès de Coca-Cola et d'autres opérateurs utilisant les mêmes pratiques - tels que Danone et Nestlé signalés dans la plainte - afin de s'assurer que les consommateurs ne sont plus trompés par des allégations de recyclage trompeuses. Pour plus d’exemples, nos succès sont répertoriés sur notre site web par ordre chronologique.
Quelles sont les grandes actions en justice en cours ?
Nous avons lancé le 21 mai dernier une plainte avec 16 de nos membres incluant la CLCV, auprès de la Commission européenne et du réseau européen d’autorités de protection des consommateurs contre sept compagnies aériennes qui visait leurs pratiques abusives en matière de bagages à main. Nous en sommes encore au stade préliminaire et avons demandé que les pratiques de faire payer les bagages cabine en supplément du prix du billet cessent.
Si vous aviez un message à adresser directement aux consommateurs européens, quel serait-il ?
De rester actifs et exigeants ! L'Europe dispose d’un fort mouvement de consommateurs qui est essentiel pour parvenir à un véritable changement. Leur capacité de mobilisation et de vigilance donne la légitimité nécessaire pour exiger des entreprises et des autorités une amélioration constante de la protection de leurs droits. Rejoindre une association de consommateurs nationale est un excellent moyen de faire perdurer le mouvement et garantir des droits plus forts.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), créé en 1962, est une organisation non gouvernementale regroupant 45 organisations de consommateurs, dont la CLCV, issues de 32 pays d'Europe. Son travail consiste à faire entendre la voix des consommateurs européens auprès des institutions de l’Union européenne que sont la Commission, le Parlement et le Conseil. Il travaille en collaboration avec les associations membres sur les sujets d’actualités dans plusieurs secteurs : énergie, alimentation, santé, services financiers, achats en ligne…
Crédit photo : ©BEUC